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Laurent Coulondre : "On avait tous besoin de se réunir, pourquoi ne pas en faire un disque ?"

Le pianiste de jazz Laurent Coulondre publie Meva festa, un disque réjouissant inspiré par les musiques brésiliennes.


Après l’album précédent qui était un hommage à Michel Petrucciani, vous prenez un sacré virage avec ce disque" Meva festa

C’est une volonté. C’est plutôt l’hommage qui était une exception dans ma discographie. Je n’avais enregistré que des albums de composition. J’ai repris ma règle, une musique originale, présentée en tant que compositeur et arrangeur.


Ce disque prend la direction du Brésil et de l’Amérique latine. Cela part d’une rencontre avec un percussionniste...

Pendant la période du Covid, en tant que musicien, au début j’étais déprimé comme tout le monde. Il y avait plein de voyages, de concerts qui étaient annulés. Puis, après on s’est dit que la période était inédite, que c’était peut-être le seul moment de notre vie avec du temps pour tester des choses. On a commencé à faire des sessions à la maison à côté de Paris avec Adriano Dos Santos Tenorio. Ça a été le coup de foudre, le déclic.

Je vis avec la chanteuse Laura Dos, qui est la directrice artistique du projet. Je faisais les sessions, j’enregistrais, on réécoutait et on a construit peu à peu l’album. J’avais plein de musiques et j’ai continué à écrire. C’est un peu un album caprice. J’ai commencé à écrire, je me suis là je veux de la flûte, j’ai appelé Stéphane Guillaume parce que j’adore la façon dont il joue. Là, je veux du saxo, j’appelle Lucas Saint-Cricq. Là, je veux une trompette, là, je veux une deuxième trompette… On a fait un peu l’anti-Covid. On avait tous besoin de se réunir, pourquoi ne pas en faire un disque ?

J’ai beaucoup de copains pianistes ou guitaristes qui ont fait des solos, qui en ont profité pour bosser seuls. Moi, je me suis dit qu’on avait besoin d’être ensemble. C’est album, c’est ça, un caprice, sans limite. En plus, tous les musiciens étaient à la maison, tout le monde était disponible. C’est bête à dire, mais parfois, il est difficile de synchroniser les agendas. Là, j’appelais et tout le monde était bloqué à la maison ! C’était le seul côté positif.

On a enregistré au début de l’année 2021, quand on pouvait travailler. On est resté dans un studio où on dormait tous sur place. On est resté neuf jours confinés ! Cela faisait plaisir à tout le monde de pouvoir jouer, j’espère qu’on le sent en écoutant l’album. On a fait les premières sessions en studio. On a eu beaucoup plus de temps que d’habitude.


Qu’est-ce qui vous a séduit chez Adriano ?

C’est un son unique. C’est un percussionniste brésilien, son père est musicien, il y a toute cette culture latine qui transpire à chaque note. Mais c’est aussi un musicien très ouvert, qui a beaucoup écouté la batterie. La batterie, on est avec des baguettes, on tape sur des tambours. Lui joue une soixantaine de percussions différentes. On a carrément ramené un camion au studio !

J’adore parce qu’il connaît tous ses sons, cela donne une palette large. On voyage dès qu’il joue mais il connaît aussi très bien le funk, le groove et il mélange avec le côté batterie. C’est un mix entre les deux, c’est peu le seul à faire ça, il peut jouer la grosse caisse à la main, prendre un cajon, puis faire un solo cubain aux congas, prendre un pandeiro et partir en samba…

Ce mélange lui donne son identité. La percussion donne beaucoup d’air, beaucoup de place aux restes, avec des sons très secs par rapport à la batterie. On retrouve ça dans les musiques de films, des petits clochettes, quelque chose d’un peu magique…

Qu’est-ce qui vous attire dans les musiques brésiliennes et des Caraïbes ?

J’avais envie d’un projet festif, pas festif seulement dans le sens dancefloor. Je me suis dit que la musique qui allie le plus le rythme, la danse et la mélodie dans le monde, c’est la musique brésilienne. Il y a une tradition de l’harmonie classique. C’est un peu comme si on prenait Debussy, Ravel, Fauré et qu’on le mélangeait à des rythmiques dansantes comme la samba. On a un mix entre l’Afrique et la tradition européenne, surtout française. C’est un peu de la musique classique qui groove.


C’est aussi une façon d’évoquer vos origines du Sud ?

Oui, ma mère est espagnole. J’ai habité à Barcelone, où j’ai passé un an avec des Cubains, des Chiliens, des Brésiliens, des Colombiens… Jouer cette musique permet de sentir une autre façon d’aborder le rythme. Dans l’idéal, cet album, j’aurais voulu l’enregistrer entre le Brésil et Cuba. La rencontre avec Adriano m’a permis de voyager. Cela fait appel à mes origines.

Cela me rappelle les grands-parents qu’on allait visiter chaque année dans le sud de Tarragone. Le Covid a fait réfléchir et nous a permis de se retrouver, d’aller aux racines de qui on est.


Vous avez voyagé en Amérique latine ?

Non, mais je prévois d’aller présenter Meva Festa au Brésil et à Cuba. On y travaille. C’est le but, bientôt j’espère.


Le jazz, ces dernières années, s’est souvent déconnecté de la danse. Vous voulez retisser ce lien ?

J’ai toujours eu envie. C’est du jazz, de la musique instrumentale qui ne peut pas plaire à tout le monde. Mais on sent la danse, l’énergie, même si on ne comprend pas ce qui se passe. La percussion amène une grande forme d’accessibilité de la musique. C’était une volonté. Je ne voulais pas faire un album de jazz pour jazzmen. On a fait le concert de sortie d’album, certains se levaient et dansaient, d’autres étaient assis pour écouter. C’est ce que je souhaite, qu’il y en ait pour tout le monde. Les spécialistes vont se dire c’est super, il a écrit pour sept cuivres différents, les autres vont se dire que c’est sympa et ça bouge bien. Si ça se passe comme ça, mission accomplie !

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