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Le Vigan : l'intranquillité du monde de Thibault Franc

Le Château d'Assas au Vigan dans le Gard expose Thibault Franc, dont les assemblages évoquent un monde menacé.

Le rapport à l’art de Thibault Franc est décalé au niveau temporel. Pour lui, « la culture contemporaine est la préhistoire d’un monde à venir ». Tout l’été, il s’installe au château d’Assas au Vigan, dans le Gard, pour une variation intranquille autour d’un monde au bord du précipice, qu’il regarde au milieu d’un déluge, d’un déferlement d’images et de catastrophes mais qu’il saisit tout de même avec une grande sensibilité.

L’art de Thibault Franc relève d’une forme joyeuse de déconstruction, de démembrement, puis d’assemblage. Longtemps installé à Arles, il vivait au-dessus d’un amoncellement de strates culturelles. Aujourd’hui, son fantasme de retour à une forme de vie sauvage se met peu à peu en place. Et il peut prendre des éléments du monde contemporain pour leur redonner un sens primitif. Ainsi, à partir d’éléments enracinés dans l’histoire culturelle, il construit des casse-tête, des maillets et des marteaux. Armes de défense ou armes d’attaque ? Le sorcier Thibault Franc ne le dit pas.

De la même façon, avec des babioles et des kitscheries, il construit de précieuses madones, divinités syncrétiques où se mélangent le sacré et le trivial.

Dans un constant dialogue entre les cultures, avec une érudition joyeuse, l’artiste mélange, superpose. En peinture comme en sculpture ou en vidéo, il assemble. « Cette mise en relation » des objets, des images, des symboles, c’est, selon lui « la puissance d’inventivité qu’on retrouve chez le jardinier. Comme en permaculture, où la réussite est quantifiée par le nombre d’espèces qui cohabitent dans le même espace ».

Avec modestie, il accueille les images, il « restaure des histoires », dans un vertige entre l’avant et l’après, entre l’Antiquité, la science-fiction, le rock, la bande dessinée… En accumulant les couches, le but est double. Il brouille le discours, il trouble les images, il les parasite, les contamine et en même temps, il invite à y regarder de plus près, à s’approcher des détails. Comme Sartre qui dans Les Mots dit que le langage comme une vitre sale, Thibault Franc montre une peinture faite de camouflage, une jungle, une friche qu’il faut débroussailler.

La figure de Van Gogh revient sans cesse. « C’est un artiste voyou, qui fait un casse sur la culture. C’est un mauvais garçon, qui buvait, qui dérangeait ses voisins, le symbole d’une manière d’aborder l’art un peu comme un pirate ». Mais sa maison jaune se vend aujourd’hui dans les magasins de souvenir. Alors Thibault Franc a essayé de tailler des flèches préhistoriques dans ces babioles. N’y parvenant, il a collé les morceaux pour en faire une autre tour arlésienne…

Au cœur de ce millefeuille, une question traverse toute l’œuvre de Thibault Franc, celle d’un avenir incertain dans un monde menacé par les dérives écologiques. Le titre de l’exposition “OK Boomer” vient d’une phrase de la députée néo-zélandaise Chlöe Swarbrick attaquée par un aîné, alors qu’elle intervenait sur le réchauffement climatique. Sa vidéo Les larmes de crocodiles mélange extraits de discours politiques qui se veulent volontaristes et les désastres concomitants.

Dans certaines peintures, apparaît le visage de la jeune militante écolo Greta Thunberg. « J’ai été ému par la manière donc elle a été renvoyée à son statut de petite fille capricieuse », explique Thibault Franc, qui partage « son désespoir et sa colère ». Dans un monde où s’est installé « un dialogue de sourds », son art fera « peut-être jaillir une étincelle, pour mettre ce soir le feu à la chaise de Van Gogh, nous réchauffer et nous donner le cœur d’enfanter un nouveau monde. »

Jusqu'au 19 septembre. Lundi au vendredi, 10 h 30 à 12 h et de 13 h 30 à 17 h. Château d'Assas, 11 rue des Barris, Le Vigan. Entrée libre. 04 99 64 26 62.


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