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Le Vigan : "Love in prolo", Aurélie Piau et ses organisations secrètes

La plasticienne Aurélie Piau présente un projet au château d'Assas au Vigan, dans le Gard, fruit d'un engagement auprès des migrants.

Sur les affiches de son exposition “Love in prolo” au château d’Assas au Vigan, dans le Gard, deux lettres apparaissent aux côtés du nom d’Aurélie Prolo : O-S. O-S, comme ouvriers spécialisés. O-S, comme organisations secrètes. C’est que pour créer, l’artiste mobilise à ses côtés des invisibles, ceux qu’on n’ose plus nommer les damnés de la terre, les prolos, mais aussi ceux qui se jettent dans la Méditerranée avec un baluchon de rêves européens, ceux qui survivent plus ou moins clandestinement grâce au soutien de quelques personnes engagées à leurs côtés.


Aurélie Piau a débuté comme peintre dans une veine post-surréaliste, elle a aussi travaillé comme restauratrice de tableaux. Mais les fracas du monde l’ont fait basculer vers une création plus intranquille ; vers un art engagé qui ne se contente pas de discours, mais qui intervient socialement.

Les attentats de 2015, les vagues migratoires, la montée des populismes… En 2018, Aurélie Piau accompagne des demandeurs d’asile assignés à résidence pour leur signature à l’hôtel de police, rencontre Madami Traoré, bientôt enfermé au CRA, Centre de rétention administrative de Sète. A sa sortie, elle l’héberge. « Je travaillais le dessin, la peinture, la porcelaine, la sérigraphie dans mon appartement. Alors, il m’a demandé de lui apprendre », se souvient Aurélie Piau, qui travaille ensuite avec Madamy Sano, dans la même situation.

Avec “Love in Prolo”, présentée au Vigan, « nous additionnons nos richesses, nos mystères et nos questions pour faire exposition de ce que notre espèce économico-politique a de magique. Dans cette circulation, notre humanité s’émerveille devant toutes les beautés découvertes », explique Aurélie Piau, membre de la coopérative culturelle La Tendresse, à Montpellier. Avec une présentation foisonnante, l’artiste mélange des incontournables de son vocabulaire, les pieds de biche, les poulets, les images du présentateur Roger Gicquel, les allusions à l’histoire ouvrière à des éléments venus du lointain, des traditions africaines ou des mythologies latino-américaines.

Face à un monde qui accepte la circulation des marchandises et des capitaux, mais pas de tous les hommes, Aurélie Piau oppose une création métissée, qui met en avant le commun et le brassage de façon à la fois joyeuse, sensible et révoltée. Avec de vastes papiers peints lithographiés, elle s’inspire des symboles économiques de l’époque.

Au cœur du château d’Assas, elle joue avec les stéréotypes, les symboles, les ailleurs. De beaux colliers colorés croisent les bleus de travail ou les discours de Thomas Sankara, révolutionnaire burkinabé. Dans La Force, elle filme une séance de musculation Madamy Sano avec un téléphone portable, comme une façon, par la force physique, de résister à l’oppression des corps. Les images contrastent avec les haltères en céramique, qui semblent à la fois précieuses et dérisoires.

Sur un autel, elle accumule une collection de céramiques, fruit de ce travail au long cours, pleines d’allusions aux croyances animistes, de mains, de trompes d’éléphants, d’objets étranges qui semblent à la fois mystérieux et quotidiens. Par ce geste artistique, Aurélie Piau intègre, accueille l’autre. En faisant apparaître des formes hybrides, elle oppose l’addition à l’exclusion.

Car un autre regard est possible. Pas celui des paysages touristiques verdoyants et merveilleux qu’elle sérigraphie sur les masques de ski, métaphore d’un monde où il est possible de passer en quelques heures d’une piste de ski artificiel à Dubaï à un cocktail exotique sur une terrasse occidentale chauffée en hiver… Mais peut-être celui des lapins cagoulés portant des foulards africains en hommage à l’historien américain Howard Zinn, qui écrivait « tant que les lapins n’auront pas d’historiens, l’histoire sera racontée par les chasseurs. »

Jusqu'au 16 octobre. Lundi au vendredi, 10 h-12 h 30 et 13 h 30 à 17 h. Château d'Assas, 11 rue des Barris, Le Vigan. Entrée libre. 04 99 64 26 62.


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