Le Vigan : Margaux Fontaine, un art de la réconciliation avec la nature
Avec "Pour des utopies sauvages", Margaux Fontaine présente un art sensible, féministe, en relation avec les éléments au château d'Assas, au Vigan, dans le Gard.
Depuis longtemps, Margaux Fontaine a envoyé balader les châssis et les solvants pour créer un art lié à la Terre, à la nature, aux saisons, un art bienveillant, qui prend soin, qui réconcilie. Avec "Pour des utopies sauvages", l'exposition qu'elle présente au château d'Assas au Vigan, dans le Gard, elle peut s'exprimer avec des pièces de grandes envergures, enveloppantes, monumentales et pourtant intimes, pleines de détails, de chuchotements, de secrets.
Artiste féministe, Margaux Fontaine s'approprie la figure de la sorcière telle qu'elle a été mise en valeur par l'essayiste Mona Chollet, une force « d'émancipation » , à la fois « politique et spirituelle » , une « entité sauvage qui n'a pas été domestiquée, une source de sagesse » , qui « accompagne dans le développement, le cheminement » . Pour l'artiste, cela passe par une affirmation du féminin, un dialogue avec les éléments, la création d'une cosmogonie personnelle et en lien avec l'histoire des femmes. Cela passe aussi par une pratique au plus près de la nature et des éléments.
Pour peindre, Margaux Fontaine utilise une soupe de clous, faisant tremper le métal dans du vinaigre, elle produit ses propres couleurs avec de la garance, de l'indigo ou de la bruyère. Avec la technique japonaise du tataki zomé, elle incruste des feuilles et des fleurs dans le tissu, elle coud, elle brode sur des vieux draps, héritière de gestes transmis à travers les générations. Elle joue du côté féminin, avec ce que cela peut avoir de séduisant, voire de séducteur. L'art est pour elle « une béquille, permettant de prendre la parole. »
Au centre de l'exposition, Margaux Fontaine transforme une vaste tente utilisée pour des cercles au féminin. Dans ce lieu d'échange, elle crée un univers enveloppant évoquant les cycles de la nature, le partage, les sabbats, les solstices, l'épanouissement de la lumière. Les allégories se mélangent aux figures animales, aux constellations, au végétal. Avec ses images glanées sur internet, Margaux Fontaine reconstruit un environnement mobilisant autant les sens que l'intellect. Il y a beaucoup de douceur, mais aussi une densité, une énergie qui circule de façon foisonnante. L'abondance s'élève jusqu'à une forme d'abstraction spirituelle.
Cette volonté de prendre soin se retrouve avec l'installation Extrait de magie verte, comme un petit laboratoire personnel permettant de produire philtres et élixir. Il y a quelque chose de l'alchimie dans cet art qui se présente « comme une médecine du corps et de l'esprit. » Les éléments sont aussi présents dans ses Eaux de lune, où elle incruste feuilles et fleurs dans des tableaux de cire de colza. Margaux Fontaine n'a pas peur de la fragilité, au contraire, elle estime qu'il « faut la mettre en valeur » et que cela permet aussi de « rendre compte de l'état du monde. »
Curieusement, alors que les idées d'hybridation et de transformation sont au cœur de son travail, Margaux Fontaine n'avait jamais évoqué le papillon. Avec une vaste pièce, conçue lors d'une résidence au collège de Gallargues-le-Montueux, dans le Gard, elle déploie ses ailes créant un vaste papillon coloré, être en transition qui a quelque chose de magique et de fascinant, de précieux et d'éphémère. Un symbole de fragilité.
« Margaux Fontaine, note Laurent Puech, commissaire de l'exposition, est convaincue et elle passe à l'action par son art, pour dire des choses essentielles mais sans agressivité. » Le tout avec une grande sensibilité. « Je l'assume, explique l'artiste. C'est ma sincérité, je ne peux pas me détacher de qui je suis. Être artiste, c'est dire ce qu'on ressent par rapport au monde dans lequel on vit. »
Jusqu'au 27 janvier. Lundi au vendredi, 10 h 30 à 12 h et 13 h 30 à 17 h. Château d'Assas, 11 rue des Barris, Le Vigan. Entrée libre. 04 99 64 26 62.