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Les apparitions de Jean-Jacques Schuhl

"Les Apparitions", récit troublant de Jacques-Jacques Schuhl.


« Des apparitions, c'est le but d'un jeu d'enfant simple comme bonjour, bête comme chou, mais pas beaucoup plus que les collages, décalcomanies, frottages et autres jeux plus ou moins automatiques de Max Ernst auquel je m'amusais depuis longtemps. Dans l'obscurité de mon bureau, une photo dans le journal m'ayant attiré, je passe lentement sans raison manifeste la page dans la lumière oblique de la lampe, la photo peu à peu s'efface et apparaît ce qui se trouve de l'autre côté ». Avec Les Apparitions, Jean-Jacques Schuhl, dandy de la littérature française, prix Goncourt pour Ingrid Caven en 2000, se livre à un autoportrait brumeux, avec un style à la fois poétique et intrigant, mystérieux et parsemé d'éclats de lumière.


Victime d'une hémorragie qui lui assèche le cerveau, l'écrivain prend de la distance avec lui-même dans ce récit troublant, au charme ensorcelant. « Je m'efforce à ce que mes phrases soient le plus distantes de moi possible, détachées, pour avoir l'impression illusoire que ça ne vient pas de moi, mais directement du monde , le langage s'inscrivant sans intermédiaire », écrit-il, comme en hypnose, faisant ressurgir le passé entre les lignes, les mécanismes de l'écriture qui prennent l'ascendant sur l'auteur. Faisant le parallèle entre la transfusion des poches de sang qu'il attend et l'art du collage, Jean-Jacques Schul se livre à un récit, plein de détours, de citations, de digressions.


En un court texte, moins de 100 pages, cet autre que donne à voir Jean-Jacques Schuhl surgit des limbes, surprenant tout le monde, même son auteur. D'une plume érudite et pleine de références à la littérature ou aux textes sacrés, l'alchimiste évacue tout narcissisme pour s'interroger sur son identité d'homme et d'écrivain. Et on le suit avec bonheur dans les méandres qu'il explore sans boussole, avec un goût élégant pour le clair-obscur. Au fil des pages, se constitue un être de papier, nourri de lectures, de souvenirs retravaillés par la littérature. Où est la vérité ? Comme une gravure de Dürer auquel il ressemble, Jean-Jacques Schuhl manie la pointe sèche et l'acide. Des personnages ressurgissent... Mélancolie... Avis de recherche... Victime d'hypoxie, l'auteur voit des apparitions, mais finalement, le sujet est peut-être plutôt la disparition.


Ces images n'ont pas les contours du rêve. « Ma situation était inquiétante mais ce qui m'entourait était banal ». Elles le hantent, interrogent son art et sa perception du réel. « J'avais eu recours à des voiles, des masques, des subterfuges naïfs pour nier ou me divertir du temps qui passe », dit-il, se plaçant dans les lisières de la folie. Car « depuis Dostoïevski les personnages, narrateurs et même inventeurs du roman moderne ont souvent un corps malade et un cerveau fêlé »


"Les Apparitions", de Jean-Jacques Schuhl. Editions Gallimard, collection L'Infini, 96 pages. 12 €.


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