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Mario Pimiento, "vivre et tenter d'être utile à quelque-chose"

Après la mort de sa mère et son refus d'aide au logement, le photographe Luis décide de reprendre la route de Madagascar. Il retrouve ses amis, sa famille de coeur, dans un lieu de fraternité et de solidarité. L'écrivain Mario Pimiento vit entre Le Grau-du-Roi et Madagascar. Avec "La Bonne Case", publié aux éditions Au Diable Vauvert, il présente un livre choral, chaleureux, une tranche de vie, sans rien cacher de la misère, de la violence ou de la corruption qui gangrène certains quartiers pauvres.


Comment avez-vous découvert l'île de Madagascar où se passe votre roman "La Bonne Case" ?

C'est une vieille histoire. Je l'ai découverte à l'occasion d'un voyage en partie pédagogique, avec un groupe de jeunes. On allait là-bas pour fêter les 10 ans d'une école. Chaque année, on voyageait dans des pays différents. Et quand on est arrivé à Madagascar, il m'a semblé qu'il y avait là un pays très différent de tout ce que j'avais vu jusqu'à présent. La misère m'a scotché. J'ai arrêté ensuite les voyages éducatifs pour vivre à Madagascar. La première fois, c'était en 1994. J'y suis retourné en 1995. Et en 1996, je me suis décidé à y faire une petite case et à vivre là-bas.


Comment avez-vous fait ce choix ?

Je ne sais pas trop. C'est un peu comme le personnage de mon livre La Bonne Case. J'ai suivi plutôt mes intuitions qu'un plan de carrière. A vivre et à tenter d'être utile à quelque-chose, il me semblait que c'est là-bas qu'il fallait être.


Qui est ce Luis, le héros de votre livre ?

C'est un personnage un peu composite. Bien sûr, il contient une part autobiographique, de ce que j'ai pu vivre dans mes voyages et mes passions. Mais je l'ai construit plutôt à partir de plusieurs personnages que j'ai vu vivre au fil du temps, des gens qui s'impliquent à l'endroit où ils sont, qui font un truc et puis s'en vont.


Au départ, il est presque viré du monde occidental parce qu'il ne correspond pas à ce qu'on attend d'un homme de son âge aujourd'hui...

Exactement, on lui dit qu'on ne sait pas dans quelle case le mettre. C'est quelque chose qu'on entend malheureusement très souvent. Dans nos pays occidentaux, il faut toujours entrer dans une grille qui est parfois trop étroite pour certains individus. Il se dit : si on ne peut pas mettre dans une case ici, moi je sais où se trouvent d'autres cases. Chacun son chemin...

Vous dites que c'est un liber-terre...

Il vit d'une manière plus itinérante que sédentaire. Ce que l'itinérance a d'intéressant, c'est toute la planète, c'est de découvrir sous un autre angle la Terre elle-même. Ce qui compte, c'est le sol sur lequel on se trouve. J'écris aussi "itin-errance". Ne pas savoir forcément où on va, c'est toute la différence entre le voyageur et le touriste. Le touriste a réservé son hôtel, le voyageur ne sait pas forcément où il dormira ce soir. C'est comme cela que j'ai voulu habiller mon héros.


Cette case bambou est un endroit à la fois très réaliste dans la manière dont il est décrit et en même temps totalement utopique...

Il peut paraître un peu utopique, mais je suis parti évidemment de quelque chose que j'ai connu. J'ai vu se construire un échafaudage autour d'un immeuble qui était pourri. Je ne l'ai pas inventé comme je n'ai pas inventé les trois-quarts de l'histoire. J'en ai fait un roman, mais cela aurait pu être une chronique.

Ici, on est en permanence en train de parler de la végétalisation des villes, des immeubles et des maisons. Mais personne ne le fait vraiment. Eux, ils ont mis des plantes. Quand la case va naître, les plantes vont grimper. Elle est habitée par des gens qui sont dans la joie et le bonheur parce qu'enfin leur rêve se réalise.

Il y a des bulles, des nids d'amour qui se créent parfois sur la planète par-ci par-là et il n'y en a pas assez. On a de la chance quand on peut croiser cela sur son chemin, passer par là. J'ai connu de ces nids grouillants, où il y a souvent beaucoup d'enfants et comme on dit, ils ont chacun leur caractère.


Ils sont dans la joie, mais au milieu d'un monde effrayant et corrompu...

Luis dit à un moment : comme si la corruption ne pouvait être citée que dans un pays. Madagascar est un pays de corruption, mais ils sont très loin d'être les seuls. A partir du moment où il y a une économie et où c'est le pognon qui dirige le monde, il y a de la corruption partout. Evidemment, c'est dramatique mais quand les gens ont des salaires qui ne leur permettent pas de bouffer, il faut essayer de trouver un surplus ailleurs. Il y a beaucoup d'enfants qui grandissent dans un univers comme celui-là.


Les enfants sont confrontés à une violence très tôt et malgré tout, ils s'en sortent...

C'est une différence qu'on peut voir quand on vit dans ces pays. Ils sont heureux beaucoup plus souvent que nous. Pour nous donner des raisons d'être heureux, il faut organiser une fête. Eux, c'est dans le quotidien. A part dans les régions extrêmement pauvres où ils n'ont pas à manger. Mais souvent, ils sont proches de la nature, des fruits, des poissons. Quand il n'y a pas ce souci, ils apprennent à se passer du reste. Dans la rue, les gens sont souriants, se disent bonjour. On voit des gens taper le ballon, pas seulement des gamins, mais aussi des adultes, ils s'amusent. Pour passer les journées, il n'y a pas du boulot pour tout le monde. Evidemment, ils ne veulent pas le dernier écran plasma à la mode à la fin du mois ou le yacht au bout du quai.


C'est la solidarité qui fait que la société parvient à tenir debout ? A la fois cette micro-société qu'est la case bambou mais aussi la société en général ?

Oui. Il y a une solidarité dès qu'il y a un coup dur. Mais les gens ne se font pas de cadeaux. Les ressources sont rares, il est difficile de les partager. En revanche, il y a une solidarité permanente pour se donner de coups de main, se maintenir la tête hors de l'eau.


Vous dites que les enfants ont plus le sens de la valeur des choses...

Il y a des choses qui sont réellement très chères. C'est nous qui les remettons face à une certaine valeur des choses qui est une valeur marchande. Mais quand pour se payer une paire de godasse, il faut deux ou trois mois de salaire, on n'a pas la même notion de la valeur.

C'est ce qui me plaît, quand je parle des traditions, ils n'ont pas envie d'en oublier aucune. On fait des fêtes pour inviter les morts. Pour eux, ce sont de vrais valeurs vitales, ne pas oublier où on est né, d'où on vient, par qui on est venu dans ce monde. C'est essentiel. Le reste, le ciel l'enverra ou pas. Il y a une part de fatalisme.


Dans ces traditions, il y en a une qui est assez terrible, une malédiction qui frappe les jumeaux...

Dans le monde moderne, cela a tendance à disparaître. Madagascar évolue et s'ouvre. Mais c'est quelque chose que j'ai connu dans un village. Quand on lit les récits historiques, on se rend compte que ce genre de tabous existait beaucoup plus. Mais le cas que je raconte dans La Bonne Case, je l'ai vécu, j'étais Luis et je n'ai pas pris cet enfant qui était considéré en surplus. Il reste encore des croyances un peu barbares sous nos regards. Dans le livre, c'est Jacquot qui fait ce geste, c'était un ami à l'époque avant qu'il se fasse assassiner par des coups de poignard comme dans le livre. Il a donc officiellement adopté cette gamine. On a réellement sauvé cette enfant ce soir-là.


"La Bonne Case", de Mario Pimiento. Editions Au Diable Vauvert, 272 pages. 17 €.


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