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Michel-Ange, portrait d'une "canaille divine"

Sublime film d'Andreï Kontchalovski consacré au peintre et sculpteur de la Renaissance Michel-Ange.

Un demi-siècle après avoir signé le scénario du chef-d'oeuvre Andreï Roublev de Tarkovski, le cinéaste russe Andreï Kontchalovski s'intéresse à nouveau à un artiste avec un passionnant portrait de Michel-Ange. Très loin du modèle hollywoodien du biopic, le réalisateur livre le portrait d'un artiste mais aussi d'une époque, la Renaissance italienne, filmés avec une fièvre impressionnante. Jamais le metteur en scène ne montre Michel-Ange attaquant le marbre au ciseau, tout juste voit-on l'artiste caressait le genou de son Moïse inachevé.


Le film se situe au moment où Michel-Ange vient d'achever la chapelle Sixtine et peine à terminer les statues du mausolée du pape Jules II, période de transition où les Médicis s'imposent sur toute la péninsule italienne avec l'accession au Saint-Siège de Léon X, second fils du prince mécène Laurent le Magnifique. Michel-Ange est au sommet de sa gloire, de son talent, il est célébré par ses confrères comme par le pouvoir politique, de Rome à Florence. Mais la création n'est pas une affaire de reconnaissance. L'artiste ne vit que pour son art, qui le dépasse.

Le film est sous-titré Il Peccato, c'est-à-dire le péché. Colérique, radin, opportuniste, paranoïaque, Michel Ange est tiraillé entre sa fidélité à la famille Della Rovere et le contexte qui l'oblige à prêter allégeance aux nouveaux maîtres. Kontchalovski ne met pas en scène un mythe, mais un homme aux prises avec l'époque, un corps tourmenté filmé à la fois avec un réalisme saisissant et une forme de maniérisme très pictural. Les rues boueuses, les prostituées qui sortent leurs seins pour attirer les clients, les tavernes où l'alcool coule à flot, mais aussi les ouvriers dans les carrières de Carrare où le marbre est blanc comme le sucre, les trognes des acteurs professionnels ou non à commencer par celle d'Alberto Testone dans le rôle-titre... « Le point de vue (...), c’est d’abord celui d’un homme ordinaire qui a des intérêts, des buts, des batailles de chaque jour à livrer, des problèmes de santé, des superstitions, qui vit avec la présence de Dieu ou du diable. Cela m’intéressait d’essayer de rentrer dans sa tête et de voir la vie par son propre regard. Une partie du film est vue par les yeux de Michel-Ange », explique le réalisateur dans une interview au journal L'Humanité.


La mise en scène de Kontchalovski est pleine de sensations, de crasse, d'odeurs, de bruits, de fureur. On pense au néo-réalisme, à la beauté cruelle de Pasolini, mais aussi aux grands classiques de l'histoire de l'art avec les clins d'oeil à la Dame à l'hermine de Léonard ou à sa fameuse Pietà. Le réalisateur fait aussi référence aux "visions", un genre populaire à la fin du Moyen-Âge qui a culminé avec La Divine Comédie.


Sûr de son génie, Michel-Ange sait le talent de certains de certains de ses contemporains, même de son ennemi Raphaël, il méprise la plupart des autres et n'accepte de dialoguer qu'avec son glorieux aîné Dante Alighieri, dont il connaît par coeur les vers de L'Enfer. Le longue séquence centrale où l'artiste fait extraire un gigantesque bloc de marbre, le Monstre, dit toute la démesure titanesque de Michel-Ange, sur lequel Kontchalovski a enquêté cinq ans avant de livrer cette fresque où il est aussi question de l'importance de la liberté dans l'acte créatif. Impossible de ne pas penser à la Russie contemporaine, pays d'où est originaire le réalisateur...

Disponible en DVD chez Ufo distribution et en VOD chez UniversCiné.




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