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Nîmes : Tarik Kiswanson, regard sur l'opacité du monde à Carré d'art

Tarik Kiswanson, artiste contemporain suédois d'origine palestinienne, présente "Mirrorbody" à Carré d'art à Nîmes, une variation autour de l'enfance, de la mémoire, de l'opacité du monde.

Le monde que crée Tarik Kiswanson est complexe, il est fait de strates, d’opacité, de transformations, de naissances et de renaissances. Avec “Mirrorbody” à Carré d’art à Nîmes, l’artiste suédois, d’origine palestinienne, vivant en France présente pour la première fois une exposition dans une grande institution, une variation pleine de sensibilité autour de la mémoire, de l’enfance, de la place des corps dans l’Histoire, dans un monde fracturé.


Dès la première salle, les Vestibules sont de vastes sculptures en acier, tournant sur elles-mêmes comme des robes soufies, destinées à accueillir performances poétiques. Au milieu, les corps enfantins sont isolés, protégés, enveloppés par les lamelles métalliques. Mais les mouvements fragmentent les images comme les identités bouleversées dans le monde contemporain, dans une constellation où se rencontrent le passé, le présent et l’avenir.

Dans deux vidéos, Tarik Kiswanson donne à voir la précarité de cet équilibre. Avec Out of Place, il met en scène un enfant à sa table de travail, basculant très lentement en arrière, dans une image à la fois sublime, fascinante et inquiétante. C’est que l’apprentissage, la construction de soi relèvent de la fragilité, tout comme l’image d’un autre enfant qui apparaît dans The Reading Room. Apprenant à lire dans la bibliothèque d’Edward Saïd à New York, il ne semble pas tout comprendre de ce qu’il déchiffre avec patience. Mais il se construit intellectuellement chez un penseur qui a offert « une nouvelle façon de voir le monde », explique Tarik Kiswanson, qui s’interroge en permanence sur les représentations, le langage, le commun à travers le temps et l’espace. Finalement, la poésie est peut-être le plus court chemin entre ces différentes approches du réel.

Dans les photos de la série Passing, Tarik Kiswanson radiographie des collections de vêtements historiques en Jordanie et des tenues de sports que portent les jeunes dans les banlieues parisiennes. L’idée de strates revient avec des superpositions qui deviennent aussi des métissages, des points de contact entre les lieux, entre les époques, entre les personnes qui y vivent, traînant avec elles à la fois un héritage, mais aussi une part de mystère.

Parfois, Tarik Kiswanson arrête les pendules, figeant des objets familiaux ou une goutte de son propre sang dans la résine, flottant comme en lévitation, comme des capsules de temps givré.

Ce regard est aussi intérieur. Car la complexité construit chacun, intimement. Ainsi, après avoir scanné des habits, il scanne aussi du vide. Le résultat est une image sombre, mais aussi pleine de reflets, posant ainsi la question de soi, de ce qui est sensible, perceptible, caché. « Le monde occidental veut tout comprendre, veut que tout soit transparent. Mais l’opacité est essentielle », poursuit l’artiste, en rendant hommage au penseur de la créolisation Édouard Glissant.

Dans la série des Fenêtres, ce trouble atteint son paroxysme et se matérialise. Avec un dessin virtuose, il représente des corps d’enfants touchant une vitre. Seul un tout petit premier plan est net, tout le reste devient évanescent, à la fois très proche et très lointain. Comme le corps et l’identité de l’autre, qui même dans le toucher, conservent toujours quelque chose d’insaisissable. Peut-être quelque chose qui sommeille dans les chrysalides qu'il accroche en hauteur, comme une vie secrète, comme une renaissance possible.

Jusqu’au 24 octobre. Mardi au dimanche, 10 h à 18 h. Carré d’art, place de la Maison Carrée, Nîmes. 8 €, 6 €. 04 66 76 35 70.


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