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Nîmes : l'invention de la Camargue au musée des Cultures taurines

Des marais hostiles au mythe contemporain... La Camargue s'est inventée grâce à la littérature et à la peinture. A découvrir à Nîmes, au musée des Cultures taurines.

Comment une terre de marais peuplée de moustiques et de malaria a pu devenir un mythe ? L’exposition “Camargue, la construction d’un rêve” du musée des Cultures taurines à Nîmes part aux sources de l’identité camarguaise, née d’abord dans la littérature avant de prendre une forme visuelle dans la peinture, grâce à une figure centrale, le marquis de Baroncelli.


La présentation débute par l’évocation des années 1840. La Camargue est alors une terre sauvage et inhospitalière qui commence à intéresser quelques artistes comme Felix Ziem, dont le musée de Martigues prête quelques œuvres, mais aussi le Provençal Émile Loubon ou Gustave Doré qui réalise des gravures pour la presse, notamment le journal L'Illustration.

Pour les rares voyageurs qui s'y aventurent, la Camargue a des airs d’Andalousie avec le même culte du taureau et la ferveur mariale. Les gardians n’ont pas encore le costume de Baroncelli, mais peu à peu l’image de la Camargue prend son autonomie esthétique, notamment grâce au Suisse Eugène Burnand.


C’est dans ce contexte que Folco de Baroncelli Javon va révolutionner l’image de ce territoire. Né à Avignon, il s’installe définitivement en Camargue en 1899. Autour de lui, gravite un milieu artistique et intellectuel qui va changer l’histoire et créer un mythe. « Dans son esprit, au départ, il s’agit de défendre la langue, mais il va ensuite promouvoir la Camargue, relancer l’élevage du taureau et du cheval, purifier la race, explique Aleth Jourdan, conservatrice du musée. Il rassemble autour de lui écrivains et artistes, comme l’Angevin Léo Lelée qui va populariser le costume d’Arlésienne ».

Dans le delta du Rhône, « il attire aussi des personnes moins connues et qui ne sont pas de la région », poursuit Jean-Marie Mercier, gestionnaire des collections en dépôt. Ainsi le Russe Ivan Pranishnikoff peint une impressionnante arrivée de taureaux aux Saintes-Maries-de-la-Mer. C’est lui qui donne ses lignes à la veste que portent toujours les gardians, quand le peintre Hermann-Paul, Parisien de naissance, dessine la croix de Camargue.

Baroncelli accueille aussi Joe Hamman, pionnier du cinéma, acteur, cascadeur, ami de Buffalo Bill qui vient tourner des westerns en Camargue, mais peint aussi des petits tableaux délicats et méconnus, dans un style au minimalisme étourdissant.

Tout ce beau monde est soutenu par Jeanne de Flandreysy, “l’abbesse du Roure”. Les livres de Joseph d’Arbaud et la Mireille de Mistral complètent ce paysage intellectuel foisonnant. Une petite salle évoque l’héroïne tragique tandis que le poète apparaît comme un dieu de l’Olympe dans une toile de Louis-Denis Valvérane.

Grâce à Baroncelli et ses amis, la cité d'Aigues-Mortes perd son statut. Au XIXe siècle, les visiteurs viennent voir ses remparts médiévaux, peints dans un beau tableau d’Eugène Bourgeois, décor de scènes taurines chez Édouard Doigneau. Au XXe siècle, la géographie change et les Saintes-Maries deviennent la capitale de la Camargue, son coeur battant.

Le musée permet de découvrir une série de dessins totalement ignorés. Yvonne Jean-Haffen est née à Paris, avant de s’établir à Dinan en Bretagne où sa maison a été transformée en musée. Dans les années 1930, puis 1950, elle visite les Saintes-Maries dont elle ramène une passionnante série de dessins du village avec son église forteresse qui perce l'horizon, avec les pêcheurs, les gardians, les gitans…

L’exposition s’achève par une série de toiles représentant le mythe camarguais tel qu’il se fixe après la création de la Nation Gardiane, à travers les œuvres de Léo Lelée, Auguste Chabaud, Jeanne Coussens et des voyageurs de passage. Les fêtes traditionnelles, les costumes, les flamants roses, les gitans et leurs roulottes, les maisons aux toits de chaume, les paysages aux horizons infinis où le ciel épouse les flots. Les mêmes symboles reviennent sans cesse d'une oeuvre à l'autre, le taureau noir, le cheval blanc, l'élégant gardian et l'Arlésienne.


Jusqu’au 15 novembre. Mardi au dimanche, 10 h-18 h. Musée des Cultures taurines, 6 rue Alexandre-Ducros, Nîmes. 5 €, 3 €. 04 30 06 77 07.


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