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Nîmes : les équilibres fragiles et silencieux de Nairy Baghranian à Carré d'art

A Carré d'art à Nîmes, Nairy Baghramian présente une série d'oeuvres qui font dialoguer les corps, des formes du quotidien et l'architecture.

« Je ne veux pas que le visiteur soit un corps mort, mais qu’il performe avec le travail », explique Nairy Baghramian, exposée au musée d’art contemporain Carré d’art, à Nîmes. L’artiste, née à Ispahan en Iran, installée à Berlin, a beaucoup observé l’architecture du musée avant de s’installer, questionnant à la fois l’institution, son architecture, son modernisme autoritaire, son discours, la relation entre l’intérieur et l’extérieur. Jouant avec le vide, les circulations, les flux, l’accrochage se veut périphérique, invitant les visiteurs à faire vivre les œuvres par la marche et le dialogue. Les sculptures ne sont pas sur des piédestaux, elles s'agrippent aux murs, dessinent de nouveaux espaces. Entre chaque salle, des œuvres sont pensées comme des transitions, des enchaînements, elles glissent le long des parois pour accompagner les visiteurs.

Dès la première pièce, un tendeur métallique partage la salle dans la diagonale, occupant tout l’espace pour créer le vide et guider les pas vers une photo à l’entrée de la pièce suivante. Nairy Baghramian l’a prise discrètement dans le palais du Shah, où c’est normalement interdit. Dans cette salle de pouvoir, sur un guéridon, se trouvent les images des chefs d’Etat rencontrés par l'ancien monarque iranien, Mao, Mussolini ou Hitler côtoyant le chancelier Adenauer… « On ne devrait pas voir ces personnalités ensemble. Cela prouve que c’est une construction, que ce lieu raconte une fausse histoire », poursuit l’artiste, qui aime les équilibres fragiles, la sensibilité discrète, le jeu entre le solide et précaire, le trouble entre la théâtralité des formes et la sensualité des matières, les allers retours entre le centre et la périphérie.

Avec un vocabulaire plastique s'écartant du spectaculaire, l'artiste construit des oeuvres où le visiteur doit s'immerger. Une première grande installation, Le Joli Coin crée un espace étrange, partagé par un grand mur blanc, empêchant de voir l’œuvre dans son intégralité. Un escalier devrait permettre de se voir dans un miroir. Mais une paroi obstrue le regard, « car les gens doivent parler à leurs voisins plutôt qu’à eux-mêmes ». L’œuvre illustre bien d’art de l’artiste, ses gestes en lien avec l'art minimal et conceptuel, créant des œuvres mobilisant le corps, l’obligeant à occuper le vide, par les mouvements, la présence, le langage, les questions, la sensibilité… Le titre de l'exposition "Parloir" invite d'ailleurs les spectateurs à l'échange, la conversation, dans un lieu intime, à l'écart du monde.

Certains travaux prennent d’ailleurs des formes organiques, questionnent la mémoire, évoquent des objets fonctionnels. Une rampe court le long du mur comme dans une salle de danse, des sculptures évoquent les prothèses ou des membres, des appareils médicaux ou des squelettes… Nairy Baghramian livre assez peu d'explications, préférant susciter l'interrogation, le trouble, la réflexion.

Avec As long as it lasts, Nairy Baghramian reproduit la solide charpente d’un ancien lieu d’exposition de Chicago, portant le souvenir des œuvres accueillies. Mais le métal solide est remplacé par la résine reposant sur de fins tubes métalliques, dans une précarité invitant à goûter l’instant et l’invisible. La chute semble proche, mais le plus fragilisé dans cet environnement est le corps du spectateur, presque intimidé par ce doux mélange entre l'ampleur et la fragilité.


Jusqu'au 18 septembre. Mardi au vendredi, 10 h-18 h. Samedi et dimanche, 10 h-18 h 30. Carré d'art, place de la Maison Carrée, Nîmes. 8 €, 6 €, gratuit - 18 ans. 04 66 76 35 70.




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