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Nîmes : le regard sans concession de Glenn Ligon sur l'Amérique

Le musée d'art contemporain Carré d'art à Nîmes organise la première exposition française d'envergure consacrée à l'artiste noir-américain Glenn Ligon.

« En tant que noir, ma relation à l'Amérique a toujours été problématique », explique Glenn Ligon, à l'affiche cet été au musée d'art contemporain Carré d'art à Nîmes avec une exposition sensible et engagée. Dès la première salle, avec les néons reproduisant le mot America, il bouleverse les codes, donne à lire ce rapport à la fois conflictuel. « Le langage est un matériel », selon l'artiste qui prend le mot, en tourne les lettres, le décline, le renverse. Par miracle, les néons se reflètent dans les vitres du bâtiment de Norman Foster et apparaissent « comme des fantômes. » Qu'est-ce que l'Amérique ? Pour Glenn Ligon, pour un Américain blanc ou pour un Européen, le mot ne recouvre pas la même réalité ni géographique, ni historique...

Glenn Ligon part toujours du texte, de la lettre, du langage pour construire des œuvres conceptuelles mais dont le sens frappe au cœur, avec simplicité et humanité. Voulant réaliser une œuvre à partir d'un film de Thomas Edison, inspiré par La Case de l'Oncle Tom de l'écrivaine Harriet Beecher Stowe. Mais un souci technique a troublé l'image. Nouveau miracle, pour l'artiste qui cherche à partir du mot pour atteindre l'abstraction. Le récit n'est plus donné par l'image absente, réduite à de la grisaille tremblante, mais par la musique improvisée, inspirée par le jazz et des chansons anciennes.


Travaillant le langage, Glenn Ligon s'inspire de la littérature. Ainsi, dans une vaste salle, il fait flotter les néons dessinant les mots Negro Sunshine, curieuse formulation méprisante utilisée par Gertrud Stein pour décrire un sourire rassemblant à un Noir ensoleillement. Pour sa sculpture, il utilise des néons noirs, couleur de l'absence de lumière.

La littérature est également au cœur de la spectaculaire peinture Stranger (Etranger) où il reproduit sur une toile de 14 mètres de long un texte de James Baldwin, Stranger in the village, qui avait lui aussi un rapport problématique à l'Amérique, s'exilant un temps en Europe. Dans ce récit, transformé par Glenn Lingon en fresque, en impressionnant paysage panoramique, il raconte son arrivée en Suisse dans un village « où de toute évidence, aucun homme noir n'avait jamais été vu » avant son arrivée.

Les choses ont changé depuis, mais les plaies sont toujours là, nourries par l'absence de dialogue, de curiosité pour l'autre. Ainsi, lors d'une résidence à Minneapolis, Glenn Ligon a travaillé avec des enfants, leur donnant à colorier des dessins destinés à enseigner l'histoire multiculturelle des Etats-Unis. Mais les images n'ont pas le même sens pour tout le monde et certains barbouillent en couleurs flashy le portrait de Malcolm X, sans rien savoir du parcours de ce héros noir américain.

Le combat est donc toujours là, au quotidien. Dans la dernière salle, Glenn Ligon reproduit la pancarte I am a man (Je suis un homme) inspirée d'une marche à laquelle avait participé Martin Luther King dans les années 60 à Memphis. Dans une mise en abîme, il transforme la peinture en photo puis la livre à un ami conservateur qui en fait un constat comme avant un prêt. Chaque observation est comme la métaphore des petits changements qui sont au cœur de l'histoire, mouvements parfois insaisissables comme dans la photo d'une marche qui a eu lieu plus récemment à Washington, assombrie par les agrandissements et ouvrant à une multitude d'interprétations.


Mais le sens du travail de Glenn Ligon, sans avoir la violence d'Arthur Jafa exposé en ce moment à la fondation Luma à Arles, est clair : « Tous les 20 ans, il faut organiser une marche pour montrer qu'on existe dans un pays qu'on a construit. »


Jusqu'au 20 novembre. Mardi au vendredi, 10 h à 18 h. Samedi et dimanche, 10 h-18 h 30. Carré d'art, place de la Maison Carrée, Nîmes. 8 €, 6 €. 04 66 76 35 70.


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