Paris : immersion dans l'Amazonie sublimée par Salgado à la Philharmonie
Le photographe brésilien Sebastião Salgado présente son dernier projet Amazonia, à la Philharmonie de Paris.
Depuis plusieurs années, Sebastião Salgado donne à voir l'aube de l'humanité et de la Terre. Son dernier projet, présenté à la Philharmonie à Paris, est une immersion magique dans un territoire qu'il connaît bien et depuis longtemps, l'Amazonie.
Comme toujours avec les expositions de Salgado, il y a d'abord la qualité éblouissante des tirages, les contrastes marqués, les gris argentés. L'exposition est pensée pour partager un environnement. Une bande sonore, signée Jean-Michel Jarre, baigne la salle, inspirée par les bruits de la forêt. La mise en lumière est magique.
Autour, dans la pénombre, les grands paysages sont suspendus, invitant à la déambulation. Salgado photographie la démesure de l'Amazonie, les immenses étendues d'eau et de forêt, les nuages prêts à fondre, les montagnes couvertes d'arbres, la luxuriance de la végétation. L'effet est saisissant. Au centre de la vaste salle, l'artiste dévoile les corps et les visages des hommes et des femmes, les différentes communautés vivant en symbiose avec la nature, leurs traditions, leurs mythologies. Ils leur donnent la parole, montre la résistance à l'oeuvre au sein de chaque groupe pour survivre dans un contexte difficile, lié à la surexploitation de la forêt et au mépris du président Bolsonaro.
Car le projet de Salgado n'est pas seulement artistique, il est avant tout politique. Salgado est aussi engagé sur le terrain pour sauvegarder l'environnement de la prévarication et des désastres écologiques. En montrant la beauté de l'Amazonie et le combat des hommes et des femmes qui l'habitent, il tire la sonnette d'alarme. Ce monde est fragile, il est menacé. Et son effondrement serait une catastrophe pour toute la planète, pour toute l'humanité.
Le texte qu'il signe à l'entrée de l'exposition explique de façon limpide sa démarche et les enjeux :
« L'Amazonie a toujours frappé les imaginations. Si elle fait naître bien des métaphores, son image est souvent éloignée de la réalité. Ce vaste territoire s'étend sur neuf pays d'Amérique du Sud avec une superficie dix fois supérieure à celle de la France. Plus de 60 % de cette forêt tropicale, la plus grande du monde se trouve sur le sol brésilien.
« Lorsque les navigateurs portugais ont accosté au Brésil en l'an 1500, dans cette dense et riche végétation irriguée par d'innombrables rivières, vivait une population estimée à environ cinq millions d'habitants. Aujourd'hui, ils ne sont plus de 370 000, répartis en 180 groupes qui parlent 150 langues différentes. Et, à ce jour, 114 groupes identifiés n'ont pas été contactés.
« Depuis le XVIIIe siècle, les villes et cités ont poussé le long du fleuve Amazone et de ses affluents. Mais le milieu du XXe siècle a marqué le début d'un triste chapitre dans la lutte pour la survie des populations locales : des flux migratoires venant du Sud du pays ont conduit à la déforestation pour faire plus de place à l'élevage de bovins et à la culture du soja. De nouvelles routes et l'ouverture de voies navigables ont facilité l'accès aux entreprises forestières et aux orpailleurs.
« La forêt amazonienne est soumise, principalement sur ses bordures, à une constante prédation de la biodiversité. Chaque année, des dizaines de milliers d'exploitations agricoles augmentent leur superficie, grignotant l'immense forêt, détruisant peu à peu les territoires indiens avoisinants.
« La forêt amazonienne est le seul endroit au monde où le système d'humidité de l'air ne dépend pas de l'évaporation des océans : chaque arbre fonctionne tel un aérateur rejetant des centaines de litres d'eau par jour dans l'atmosphère, créant des rivières aériennes encore plus volumineuses que le fleuve Amazone.
« Les images satellitaires montrent invariablement une forêt tropicale en grande partie masquée par les nuages. Le jour où la jungle sera parfaitement visible depuis l'espace, les rivières aériennes auront disparu, avec les conséquences catastrophiques qui en résulteront pour notre planète.
« Cette exposition est le fruit de sept ans d'expériences humaines et d'expéditions photographiques - par la terre, l'eau et l'air - dans une Amazonie encore méconnue qui ne cesse de nous étonner par la culture et l'ingéniosité de ses peuples, par ses mystères, sa puissance et sa beauté inégalée. Grâce à l'impénétrabilité de la jungle, des peuples ont pu préserver pendant des siècles leur mode de vie traditionnel. Aujourd'hui, les voici gravement menacés, ainsi que la survie de la forêt.
« Ces images sont un témoignage de ce qui existe encore avant que davantage ne disparaisse. Pour que la vie et la nature surmontent l'extermination et la destruction, il est un devoir pour les êtres humains de la planète entière de participer à sa protection. »
Jusqu'au 31 octobre 2021. Du mardi au jeudi, de 12 h à 18 h ; vendredi, de 12 h à 20 h ; samedi et dimanche, de 10 h à 20 h. Philharmonie de Paris, 221 avenue Jean-Jaurès, Paris, 19e. 12 €, 10 €, 7 €. 01 44 84 44 84.
Egalement du 27 juin au 30 novembre 2022 au Palais des Papes, Avignon.
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