Paris : le siècle de Soulages célébré au Louvre
Le musée du Louvre à Paris accueille une exposition de Pierre Soulages, à voir jusqu'au 9 mars.
Une apothéose. C'est ainsi qu'il est possible de lire l'exposition que le musée du Louvre à Paris consacre au jeune centenaire Pierre Soulages, qui a fêté ses 100 ans le 24 décembre 2019. Avant lui, seuls deux artistes avaient eu l'honneur d'une exposition personnelle de leur vivant, Marc Chagall en 1967, Pablo Picasso en 1971. Ils avaient alors 80 et 90 ans, Soulages a dû attendre une décennie supplémentaire.
L'exposition n'a pas l'ampleur de la rétrospective du centre Pompidou en 2009. Et la foule habituelle du Louvre ne permet pas toujours le corps à corps physique et spirituel nécessaire à la peinture de Soulages comme il est possible au musée de Rodez ou au musée Fabre à Montpellier, qui propose lui aussi un accrochage spécial pour le centenaire de l'artiste. L'événement est néanmoins incontournable : le plus grand peintre français fête son premier siècle au Louvre ! Le Salon Carré accueille donc une trentaine de toiles, traversant 80 ans d'une carrière exceptionnelle et sélectionnées par les commissaires Pierre Encrevé, disparu l'an dernier avant d'avoir pu assister au triomphe de son ami et Alfred Pacquement, ancien directeur de Beaubourg.
Les premiers travaux, datés de la fin des années 40 et des années 50, annoncent immédiatement la puissance de l'oeuvre à venir. Les peintures au goudron sous verre notamment sont d'une beauté à couper le souffle, par leur simplicité, leur modestie, leur expressivité. A la même époque de vaches maigres, Soulages peint aussi au brou de noix, un colorant naturel habituellement utilisé par les menuisiers. D'un geste sec, il trace des signes mystérieux, aux angles bruts et à la composition solide, affirmative.
Dans les années 60, le noir envahit peu à peu la toile. L'exposition présente notamment quelques grandes huiles sur toile, où Soulages laisse une partie de la toile vierge, soulignant avec vigueur la force de son geste, de ses choix. Les oeuvres où ils mélangent le noir et la couleur, sont assez peu présentes dans l'exposition qui glisse rapidement vers la période majeure de l'outrenoir.
Une peinture datée de 1979, année charnière dans la carrière de Soulages où il fait le choix radical et définitif de peindre avec la lumière, laisse deviner toute l'ampleur de la recherche à venir. La toile est couverte de noir bien sûr, mais les mouvements du pinceau dans la matière balayent la surface. Ce n'est qu'un début, le fondement de quatre décennies de peinture.
La façon dont il va affirmer, poursuivre, creuser, approfondir sa recherche forme la moitié de l'exposition. Dans de grands polyptyques, Soulages alterne les gestes et les surfaces avec une virtuosité étourdissante, il piège la lumière qui vient se poser sur la peinture, la fait rebondir, la fait étinceler, la fait taire, la nuance au fil d'une quête sans fin...
L'exposition présente d'ailleurs trois toiles peintes l'an dernier, en août et à l'automne. Preuve que Soulages repart chaque fois de zéro. A 99 ans (et demi !), il utilise de nouveaux formats de presque 4 mètres de haut, comme des kakémonos japonais, une culture dont il est imprégné, ou comme les fenêtres de l'église de Conques dont il a signé les vitraux... Toujours avec le même sens du rythme et de la mesure, il fait se succéder avec un beauté saisissante des compositions striées de lignes horizontales épaisses et irrégulières, les trois dernières pistes d'une exploration sans cesse renouvelée.
Jusqu'au 9 mars. Tous les jours, sauf le mardi, de 9 h à 18 h 45 (21 h 45 les mercredis et vendredis). Salon Carré, musée du Louvre, Paris. Compris dans le billet d'entrée 17 €, gratuit - 18 ans. 01 40 20 53 17.
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