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Sur la piste... La fondation Eschaton, Anselm Kiefer, la beauté et l'approche de l'apocalypse

A La Ribaute, près de Barjac dans le Gard, l'artiste d'origine allemande Anselm Kiefer a construit une oeuvre totale et fascinante.

Aucune autre fondation d’artiste ou de collectionneur n’est comparable à La Ribaute, le lieu qu’a enfin ouvert l’artiste d’origine allemande Anselm Kiefer, à Barjac dans le nord du Gard. Le projet faisait rêver le monde de l’art depuis une éternité. Au printemps 2022, en toute discrétion, presque sans aucune communication, le domaine a entrouvert ses portes pour quelques visites guidées.


Pour avoir une place, il faut s'y prendre avec beaucoup d'avance. Le lieu se mérite, mais les trois heures de découverte valent le détour. Sur 40 hectares, autour de l’ancienne magnanerie où il s’est installé en 1992, Anselm Kiefer a disséminé une soixantaine de pavillons, abritant ses créations. Certains sont minuscules, comme les chapelles d’un chemin de croix, d’autres prennent les proportions de vastes entrepôts pour accueillir des toiles de plusieurs mètres d’envergure, qui se découvrent avec une proximité incroyable, simplement posées sur des roulettes, contre le mur, comme si elles sortaient de l'atelier. Des sculptures sont posées le long des chemins, d'autres protégées par des serres comme figées dans un temps parallèle.

Eschaton, le nom de la fondation renvoie à l’idée de fin des temps. L’artiste préfère évoquer le cycle de la vie, fait de disparitions et de renaissances. Sur cette colline de garrigue, transformée pendant 15 ans en laboratoire de création, Anselm Kiefer s’exprime avec une puissance, une émotion, une créativité inépuisables. La magnanerie avait cessé de fonctionner depuis plusieurs décennies. Quand il a commencé à chercher un lieu où se fixer dans la région, il a immédiatement été séduit par cet endroit, au point de s'y installer pendant des années, aménageant les lieux pour y vivre et y travailler dans un environnement métamorphosé à son image. Du bâtiment où il vivait, un gigantesque tuyau en acier communique avec un autre bâtiment, situé à une centaine de mètres, comme un cordon ombilical.

Anselm Kiefer est né en 1945 à Donaueschingen, en Forêt-Noire. La nuit de sa naissance, la maison familiale est bombardée. Si sa mère n’avait pas été à la maternité, il n’aurait pas vu le jour. Dans son enfance, Anselm Kiefer joue dans les ruines, transformant les débris en briques pour ses premières constructions. Ce passé qui ne passe pas est au cœur de l’œuvre d’Anselm Kiefer, mais métamorphosée par la littérature, la poésie, la recherche spirituelle, l'étude de la kabbale, la philosophie, l'alchimie...


Dans le premier bâtiment qui lui a servi d'atelier, Anselm Kiefer construit un gigantesque amphithéâtre, une ziggourat inversée à partir de conteneurs moulés dans le béton. L'oeuvre évoque à la fois la ruine, l'Orient, accueille livres de plomb et bateaux échoués... Elle donne à voir immédiatement l'ampleur d'un art qui dépasse la mesure.

Au fil des pavillons, des oeuvres récentes rencontrent des créations plus anciennes. Les toiles en hommage en Paul Celan impressionnent particulièrement. Les paysages dévastées côtoient les ciels mystérieux. Les graines de tournesol, symbole solaire, essaiment comme une vie contenue et prête à exploser. Les allusions à l'histoire des arts sont nombreuses, du polyèdre mélancolique de Dürer au romantisme allemand, les poétesses de la Grèce antique croisent les martyres révolutionnaires. L'apocalypse guette, le monde semble prêt à s'effondrer mais résiste par la force de l'esprit, grâce à la beauté prête à éclore dans le chaos.


Cet esprit peut s'élever vers les "Palais Celestes", avec des tours bancales dispersées dans le paysage, moulées à nouveau dans des conteneurs. Les blocs accumulés évoquent les ruines de son enfance, mais aussi la mystique juive et les défaites de l'homme qui souhaite atteindre le Créateur.

Pour toucher l'esprit de l'artiste, il est aussi possible plonger sous terre. Au sein du domaine, Anselm Kiefer a creusé un gigantesque réseau de tunnels et de salles souterraines, reliant plusieurs pavillons comme des synapses. On pénètre alors dans la Terre, dans la mémoire, dans les racines d'un projet artistique à nul autre pareil. "Ce que vous voyez à la Ribaute est l'unité d'un tout, où les éléments sont liés entre eux, se complétant, s'opposant, s'éloignant les uns des autres pour mieux se retrouver, explique l'artiste. Ils se ramifient, forment des réseaux, non seulement grâce aux passerelles et aux tunnels, mais aussi en raison de leurs relations internes".


Ouvert de la mi-mai à la fin du mois d'octobre. Fondation Eschaton, La Ribaute, Barjac. 25 €, 15 €, uniquement en visites guidées, réservations sur eschaton-foundation.com.


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