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Avignon : le déluge Combas à la Collection Lambert


La Collection Lambert à Avignon expose 300 oeuvres de Robert Combas

Dans le monde de l’art, comme ailleurs, la roue tourne... Il y a quelques années, les peintres de la figuration libre étaient regardés par le monde de l’art contemporain avec un dédain poli, voire un mépris silencieux. Et puis, soudain, l'alignement des planètes a changé. Cet hiver, Hervé Di Rosa était accueilli à la Maison Rouge à Paris et Robert Combas présenté par Michel Houellebecq au Palais de Tokyo... Toute cette génération revient sur le devant de la scène et la Collection Lambert à Avignon participe avec majesté à ce nouveau regard en présentant toutes les œuvres de Robert Combas qu’elle a en réserve, soit environ trois cents toiles et dessins, dont une cinquantaine font partie de la donation d’Yvon Lambert à l’État. Autant le dire d’emblée, on ressort de cette présentation essoré, rincé, sonné devant tant de peinture, grisé devant tant d’énergie, les yeux pétillants de couleurs et avec la furieuse envie d’y revenir, tant cette foisonnante exposition ne peut se déguster en une seule fois !

La collection d’Yvon Lambert se concentre sur les années quatre-vingt, soit la meilleure période de Robert Combas, celle où se construit son style. Après avoir soutenu les avant-gardes des années soixante-dix, le minimalisme, l’art conceptuel, l’intérêt du galeriste parisien pour ces jeunes punks avait irrité, certains claquant même bruyamment la porte de sa galerie. « Je ne pouvais continuer mon aventure tel un antiquaire qui ne montrerait que ses artistes défendus auparavant, j’ai toujours souhaité exposer les artistes de mon temps et j’ai donc décidé de franchir cette frontière », explique Yvon Lambert, devenu l’ami de Combas et qui a vécu grâce à cette collaboration un véritable bain de jouvence.

Malgré la proclamation de la mort de la peinture depuis plusieurs années, de jeunes artistes, simultanément et à travers le monde, s’intéressent à ce médium classique et - sacrilège ! - à la figuration. En Allemagne, Sigmar Polke, Gerhard Richter ou Georg Baselitz avaient maintenu la flamme vive. Et voici que Jean-Michel Basquiat, Julian Schnabel et Keith Haring aux États-Unis, Miquel Barcelo en Espagne, Francesco Clemente, Enzo Cucchi et les artistes de la trans-avant-garde en Italie arrivaient sur le devant de la scène en même temps qu’Hervé Di Rosa, François Boisrond, Rémi Blanchard et Robert Combas, rapidement regroupés sous l’étiquette de Figuration libre.

Ils aiment la bande dessinée, la culture pop, la drogue, les graffitis, le rock’n’roll. Ils aiment l’humour, le sexe, les arts venus d’ailleurs, se foutent comme de leur premier perfecto des théoriciens en tout genre. Surtout ils sont curieux de tout, aiment peindre et le font avec gourmandise. Robert Combas est l’un d’eux. Originaire de Lyon, il a grandi à Sète comme Di Rosa, dans une famille d’ouvriers communistes, engagée dans l’idée d’une culture pour tous. Au départ, il est plutôt attiré par la musique, mais intègre finalement les beaux-arts avant de participer à un mouvement qui va singulièrement décoiffer la peinture et désinhiber une génération entière. Si aujourd’hui le street-art entre au musée, c’est un peu grâce à eux...

L’intérêt de cette exposition pléthorique est de voir comment se construit une œuvre, comment s’affine puis s’affirme un style. Une première partie présente les œuvres de façon chronologique. Sur des toiles libres, Robert Combas mélange parfois les couleurs, un peu à la manière d’un fauve. Le cerne noir apparaît rapidement, modelant les volumes. Peu à peu, chaque surface colorée devient monochrome, puis de plus en plus petite et le dessin devient sinueux. Rapidement les mots accompagnent les images, les écritures s’entrechoquent pour créer des toiles complexes et foisonnantes, pleines d’humour. Il faut lire les interminables légendes qu’écrit le peintre, petites histoires loufoques à la langue gouailleuse... Il a quelque chose de furieux dans cette boulimie. En quelques années, Robert Combas densifie ses toiles, précise ses talents innés de coloriste et peint avec frénésie, partout, même sur des draps de l’appartement new-yorkais de Sophie Calle.

Une seconde partie permet de revoir le travail en suivant quelques fils thématiques. La peinture de Robert Combas évoque son époque, son atmosphère débridée mais aussi ses angoisses, ses débordements, ses soubresauts. Il peint les portraits des ceux qu’il croise dans les discothèques et les galeries, Christian Boltanski et Annette Messager, Daniel Templon, Anselm Kiefer ou Andrée Putmann... La musique continue à tenir une place importante, notamment avec un grand orchestre et sa cantatrice chauve, une série de jazzmen ou un tableau peint pour la Fondation Cartier à l’occasion de l’éphémère renaissance du Velvet Underground.

Il dialogue avec les grands genres de la peinture classique, l’art sacré avec une puissante crucifixion, la peinture d'histoire, les scènes de bataille, la mythologie antique avec une étonnante série, point d’orgue et acte final de la collaboration entre Robert Combas et Yvon Lambert... Son art montre aussi qu’il regarde la peinture de ses contemporains : La Chasse au couguar évoque la scène new-yorkaise de l’époque. Dans une bouillabaisse, sa peinture touche - en grand format - le raffinement précieux de l’enluminure. Derrière un premier abord provocateur, les scènes de nu sont aussi des clins d’œil à ses glorieux prédécesseurs.

Surtout, la guerre et la violence sont omniprésentes, par exemple dans une bannière réalisée pour une manifestation qui avait suivi la profanation du cimetière de Carpentras et qui évoque de façon brûlante ce qui se passe aujourd’hui à Alep.

Jusqu’au 5 juin. Mardi au dimanche, 11 h à 18 h. Collection Lambert, 5 rue Violette, Avignon. 10 €, 8 €. 04 90 16 56 20.

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