top of page

Arles : les siècles noirs d'Ensor et Kluge à la fondation Van Gogh


Curieux tête à tête entre James Ensor et Alexander Kluge à la fondation Van Gogh à Arles.

Devant l'étrangeté de l'art de James Ensor, on a souvent tendance à lui chercher des racines, du côté de Brueghel, Bosch ou Goya. C'est le parti pris inverse que prend Julia Marchand avec l'exposition stimulante qu'elle présente à la fondation Van Gogh en le projetant vers le présent.

L’artiste belge James Ensor est un révolté, représentant au début du XXe siècle de l’avant-garde. Né en 1860 à Ostende, l'anarchiste est mort en 1949 dans un monde très lointain de celui où il s'est exprimé avec rage.

Né en 1932, Alexander Kluge a étudié aux côtés de Theodor Adorno. Juriste, philosophe, écrivain et cinéaste, il a été l'assistant de Fritz Lang. Profondément marqué par les désastres de la Seconde Guerre mondiale, figure du Nouveau cinéma allemand dans les années 1960, il a obtenu le Lion d’or à Venise en 1968 pour Les artistes sous le chapiteau : perplexes. C'est en voyant les images du réalisateur lors de la dernière biennale de Venise que Julia Marchand a pensé à un dialogue avec l'oeuvre de son aîné.

Face à une trentaine de gravures de James Ensor, soit le quart de sa production totale, les films de Kluge, qui évoquent pour les cinéphiles français les dernières expériences de Godard, s’emparent des mêmes thématiques. L’un est profondément pessimiste, l’autre espère. Mais tous deux regardent le monde avec un sens du grotesque dévastateur, observent avec distance les foules révolutionnaires, évoquent le christianisme, traitent le pouvoir et la société de façon carnavalesque et scatologique.

L'exposition démarre avec des gravures, de façon assez classique. En 1888, James Ensor se représente en cadavre confortablement alangui dans Mon portrait en 1960. Ses visions de foules sont impressionnantes par leur sens du détail et de la folie inquiétante qui palpite dans les gueules et les bannières. Blessé de n'avoir pas réussi à convaincre, sa vision de l'homme est sombre, acide, violente. Tout y passe, la religion, l'histoire de son pays...

Face aux gravures, les films de Kluge prolongent cette critique, notamment avec des oeuvres conçues pour la télévision avec l'ambition d'éduquer, d'élever les esprits, de mettre en rapport poétique et intellectuel les mots et les images, les vivants et les morts.

Conçus en constellation, dans un montage lyrique de textes, d’archives, de films, les vidéos juxtaposent des réalités à la recherche des frictions, notamment avec un Hommage à Ensor, spécialement conçu pour l’exposition de la fondation Van Gogh. Au fil des images, la petite et la grande histoire s'entrecroisent avec puissance pour évoquer les fantômes du présent. Mais l'art d'Alexander Kluge reste en permanence ouvert... A l'inverse de James Ensor, le cinéma du cinéaste allemand, malgré son mystère et sa radicalité, permet au spectateur de respirer en interrogeant son regard, avec humour et une forme de poésie chaotique.

Informations pratiques

Jusqu'au 10 février. Tous les jours, 11 h-18 h. Fondation Van Gogh, 35 ter rue du Docteur-Fanton, Arles. 9 €, 7 €, 4 €, billet famille 15 €, gratuit - 12 ans et le premier dimanche du mois. 04 90 93 08 08.

Pour aller plus loin

Présentation de l'exposition James Ensor au musée d'Orsay à Paris en 2009.

Chroniques de sentiments, d'Alexander Kluge, éditions POL.

 FOLLOW THE ARTIFACT: 
  • Facebook B&W
  • Twitter B&W
  • Instagram B&W
 RECENT POSTS: 
bottom of page