"Boris Vian avait 50 ans d'avance. Donc il est toujours actuel"
Simon Mimoun et le groupe Debout sur le zinc redonnent vie aux chansons de Boris Vian.
Le groupe Debout sur le zinc, photo Pierrick Guidou.
Comment est née l’envie de réinterpréter les chansons de Boris Vian ? C’est une proposition de Françoise Canetti, qui est devenue une amie. C’est la fille de Jacques Canetti qui est l’éditeur, le découvreur de toute la chanson française, Brel, Brassens, Vian, etc. A l’occasion des 100 ans de la naissance de Boris Vian, elle voulait qu’on fasse un joli projet avec elle. On a eu accès à des textes inédits, à son catalogue d’édition.
Le fait qu’elle ait connu Boris Vian a nourri aussi le projet ? On était doublement voire triplement content. On pouvait parler avec quelqu’un qui l’avait connu, même si elle était petite. On a eu accès aux archives de son père. On a vu ces textes inédits avec écrit dans la marge : « musique à faire ». Vous imaginez le graal pour un groupe comme le nôtre ! Et puis, l’autre satisfaction, c’est de voir à quel point on a pris du plaisir à réarranger et parfois à composer avec un auteur dont on a considéré qu’il faisait partie du groupe, sauf qu’il s’appelait Boris Vian.
Comment s’est fait le choix des morceaux ? Il y a 600 chansons. Il a écrit 600 chansons en 6 ans, j’en ai écrit 100 en 25 ans... Le choix s’est fait par contrainte et par choix personnel. Toutes les chansons ne sont pas au catalogue des éditions Canetti et puis, on ne voulait pas faire tous les tubes. De cette double contrainte et de notre côté un peu punk, on a trouvé les textes qui racontaient quelque chose de la vie intérieure de Boris Vian. Et c’est un super prisme pour entrer dans sa tête. On connaît ses œuvres littéraires. Mais via ses chansons, on atteint directement sa pensée. Les chansons sont construites avec de l’inconscient et de la poésie. C’est assez magique.
Boris Vian était punk ? Non, mais nous oui ! A l’époque, on appelait plus ça les zazous ! Il n’était pas punk, parce qu’il n’avait aucun côté mortifère. Il savait qu’il allait mourir avant 40 ans et pourtant, il était totalement tourné vers la vie. Il était avide de connaissance. On a composé la musique d’un texte qui s’appelle Je voudrais pas crever où on retrouve vraiment la substantifique moelle de ce qu’il était, c’est-à-dire amoureux de la vie, tendu vers l’avenir, déçu de ne pas voir les progrès que l’humanité va accomplir. Par contre, il est provocateur !
Et ça, c’est toujours aussi neuf ! Oui, il a des mots incroyables, édifiants. Il dit : « mieux vaudrait apprendre à faire l’amour correctement que de s’abrutir sur un livre d’histoire. » Cela raconte vraiment l’homme qu’il était. Le mot est galvaudé, mais il s’applique, il avait 50 ans d’avance sur son temps. Donc, il est toujours actuel.
Comment avez-vous travaillé sur les textes inédits ? Exactement comme on travaille sur les nôtres. Quand j’écris des chansons, je travaille des mélodies à partir de textes. On a fait cela sans pression, on avait des chansons, elles avaient pour auteur Boris Vian et on a fait des musiques comme on aime les faire, le plus sincèrement possible.
Et pour les chansons déjà existantes, on les a démontées un peu comme on démonte une vieille voiture. On a retiré ce qui polluait un peu, ce qui était superflu ou un peu daté pour qu’elles nous ressemblent le plus possible.
Il y a des choses qui sont datées ? C’est très jazz. Il était complexé par ses mélodies. Il a inventé le mot « tube », qu’on utilise encore. Lui n’écrivait que des tubes. Dans sa bouche, c’était assez péjoratif. Il trouvait les mélodies trop simplistes, il ne fréquentait que des jazzmen. Aujourd’hui, on trouverait cela très efficace. Pour lui, cela ne suffisait pas. Il a fait appel à plein de musiciens de jazz pour compliquer les accords. Cela nous intéressait moins, nous ressemblait moins. On a arrondi les angles, on en a aiguisé d’autres et cela donne cet album dont on est très fier.
A l’issue de cette aventure, vous avez l’impression de le connaître plus intimement ? Cela fait deux ou trois ans qu’on vit avec lui, qu’on interprète ses chansons. Quand on chante et qu’on dit les mots de quelqu’un pendant autant d’années, on est influencé. D’ailleurs, l’album suivant L’importance de l’hiver est complètement influencé par Boris Vian.
Pour la scène, vous avez voulu que ce ne soit pas seulement un concert, mais un vrai spectacle ? C’est les deux. Grâce au metteur en scène Nikola Carton, c’est vraiment un concert avec 98% de musique et pourtant, le mise en scène est théâtrale. On entre vraiment dans la tête, dans l’univers de Boris Vian. Les fans de Debout sur le zinc viennent et découvrent des chansons qu’ils ne connaissent pas et les fans du Boris Vian découvrent un groupe, le nôtre et des chansons inédites.
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