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General Elektriks : "Il est possible de se poser des questions, tout en dansant !"

Hervé Salters présente présente le dernier album "Party Like A Human" de son groupe General Elektriks.

L’histoire du disque "Party Like A Human" est lié au tableau de Laurina Paperina, qui figure sur la pochette…

Le tableau est arrivé rapidement dans le processus créatif. J’avais déjà les embryons de quelques morceaux, notamment les trois premiers titres, Party Like A Human, Seeker et Pick Up The Pieces qui n’étaient pas terminés. J’avais déjà l’atmosphère, je voyais le son que l’album allait avoir, l’esthétique générale. J’avais cette idée qui s’est transformée en Cosmic Check, ce mouvement de trois morceaux qui narre l’invasion extraterrestre de la planète Terre.

Je suis tombé sur le tableau de Laurina. D’abord, cela m’a fait rire et ensuite, cela m’a semblé coller avec ce que j’avais en tête : cette présentation de la vie terrestre à travers les icônes de la culture populaire rendue de manière très acerbe. C’est à la fois très fluorescent, très attirant, très drôle et en même temps, à la limite du cauchemardesque. J’aimais bien ce côté chaotique, on voit Bart Simpson avec trois yeux, Superman avec quatre bras, il y a des références à Mad Max, à La Planète des singes… Il y a aussi quelque chose de cosmique, on voit des météorites, l’espace, un alien…

C’est ce que je voulais faire avec le disque. Mon idée est de faire quelque chose qui soit musicalement dansant et en même temps, d’un point de vue textuel et des thématiques, quelque chose de plus sombre.


Ensuite cette image a accompagné le développement du disque ?

Rapidement, le tableau est devenu comme un collaborateur. J’ai continué à travailler sur le disque en sachant qu’il allait devenir la pochette. Quand j’entamais un morceau et que je n’étais pas absolument sûr de la direction à prendre ou que j’avais un doute, je regardais la pochette et immédiatement, cela me donnait un petit choc.


Le côté pop et foisonnant, c’est aussi quelque chose qui correspond à votre univers ?

J’aime bien l’idée de quelque chose qui prend à la gorge. Avec Laurina Paperina, il y a ce côté pop art, la réutilisation et le détournement de signaux de la culture populaire. Le tout est extrêmement coloré. J’aime bien cela en musique aussi, ce qui est indéniable, ce qui vous appelle, ce qui est très pop puis le mélanger avec des lectures à multiples étages. On peut écouter ce disque de plein de manières différentes, juste en dansant un bon coup. On peut se pencher plus sur les textes, par exemple un morceau comme Giving Up On You qui parle de rupture, puis faire une deuxième lecture en ce disant que c’est peut-être la planète qui décide qu’elle en a marre des humains et qui abandonne tout espoir.

Je laisse un peu d’abstraction, assez de place à l’interprétation pour les gens, en ayant en surface cette aspect plus pop, même si musicalement parlant, ma musique reste ancrée dans une vision très personnelle du funk.


L'album s'appelle Party Like A Human. C’est quoi être être un être humain ?

Grande question ! Je ne prétends pas vraiment savoir exactement. Le fait que le disque ait été terminé pendant la pandémie y est pour quelque chose. La question que je me suis posée, c’est juste ce que cela veut dire maintenant, en 2021. Vu ce qui est en train de se passer avec l’environnement, l’agrandissement de l’abysse entre les riches et les pauvres, cela me semble compliqué de ne pas se poser des questions sur qui on est, où on va et comment on avance. Je ne donne pas de réponse, je ne suis pas politicien ou universitaire.

C’est plutôt de l’ordre du questionnement et le tout, en dansant, sans renier le fait que ce que j’aime dans l’humain, c’est le voir créer, s’exprimer, faire et aller vers les autres. Ce que j’ai essayé de faire avec ce disque, c’est d’être aussi humain que possible. Je ne me suis pas retenu, en espérant que cette petite bouteille à la mer soit réceptionnée par d’autres gens. Je ne prétends pas changer le monde. Je me rends compte de ce qui se passe, mais je reste quelqu’un d’assez positif et je continue à croire que des choses peuvent se passer.

L’humain, ce n’est pas qu’un individu ou quelques individus, c’est aussi une espèce. Et tous ensemble, on peut avoir une fâcheuse tendance à un peu tout gâcher.


Sans donner de réponse, par contre, vous faites une proposition, c’est de danser ! Il y a un côté festif, joyeux, solaire dans ce disque…

Je pense que c’est possible de se poser des questions existentielles, tout en dansant, tout en appréciant le présent, sans sombrer dans quelque chose de plombant. J’ai toujours beaucoup aimé les morceaux politiques qui ne s’enlisent pas dans quelque chose de didactique. J’adore Respect d’Aretha Franklin, qui est une ode féministe. J’adore You Haven’t Done Nothing de Stevie Wonder, qui parle de Nixon. Une musique qui raconte quelque chose de réaliste, de social ou de politique et qui fait bouger les hanches, cela me touche.

Dans le son du disque, il y a quelque chose de l’ordre de la fête. Mais même ce titre Party Like A Human, il est possible de le lire de plusieurs manières. Cette party, ce peut être le capitalisme tel qu’il est pratiqué dans le monde occidental actuellement, cette grosse fête à laquelle s’adonne l’humain sans trop réfléchir aux effets sur ce caillou dans l’espace qu’est la planète Terre et qui est tout ce qu’on a.


« One foot in the grave, on foot in the stars ». Vous avez un pied dans la tombe, un pied dans les étoiles ?

Ce n’est pas moi qui ai trouvé cette formule, c’est le rappeur Quelle Chris que j’ai invité sur le deuxième morceau de la trilogie Cosmic Check, dans laquelle il est question de l’invasion de la planète par des aliens. Le premier morceau, They Came From The Stars, c’est l’arrivée des extraterrestres. Le deuxième avec Quelle Chris narre la bataille pour la planète Terre. Le troisième, Human unite !, c’est la conclusion selon laquelle en s’unissant, les humains ont réussi à vaincre l’ennemi commun.

Pour être honnête, j’allais faire un disque entier là-dessus, un disque concept sur cette invasion, pour sonder les réactions humaines face à un tel événement. Finalement, je me suis dit que ça risquait d’être un peu lourd et je l’ai réduit à trois morceaux. Et donc j’ai décrit ce que je voulais à Quelle Chris et c’est lui qui a trouvé cette ligne superbe, « One foot in the grave, one foot in the stars ». Je trouve que cela résume bien la condition humaine. « One foot in the grave » : on ne peut pas s’empêcher de danser autour de notre maison qui est en train de cramer, plutôt que d’éteindre le feu. « One foot in the stars » : c’est une réflexion cosmique et la capacité qu’a l’humain de rêver, d’imaginer quelque chose de meilleur et des solutions. C’est pour cela que personnellement, j’ai envie de rester positif.


Vous avez beaucoup voyagé, vous avez vécu à San Francisco, maintenant vous êtes à Berlin. Les étoiles, l’espace, c’est la prochaine frontière ?

Non, je suis vraiment terrien, je me sens très bien sur la planète. J’aime voyager parce que je pense qu’il y a plein de personnes et d’endroits fantastiques tout autour du monde à découvrir. En tant qu’artiste, j’aime me retrouver face à la nouveauté, face à un quotidien que je ne connais pas parce que dans ce cas, vous êtes à nouveau comme un enfant, vous n’êtes plus dans les réflexes, dans les réactions routinières, mais face à des situations neuves que vous ne comprenez pas nécessairement. Cette fraîcheur génère des envies, des idées.

Peut-être que l’ultime manière de se sentir comme un enfant, ce serait de partir dans l’espace, mais cela ne m’attire pas du tout.


Cette idée de rencontres se retrouve aussi avec les invitations et les collaborations sur ce disque…

Il y avait cela sur le premier album Cliquety Kliqk, en 2003 avec Lateef The Truthspeaker, l’un des rappeurs que j’invite à nouveau sur le dernier disque. Par la suite, j’ai arrêté, je me suis occupé des textes, de la voix, même si j’invitais des musiciens pour faire les violons, les cuivres… Avec Party Like A Human, j’invite des artistes pour l’écriture ou des participations vocales. Cela rejoint l’idée qu’on ne s’en sortira pas si on ne réalise pas qu’on est tous dans le même bateau. C’est attristant dans le contexte actuel, avec le recroquevillement identitaire. Cela me paraît tellement hors sujet par rapport aux problèmes auxquels on fait face. Si le bateau coule, on coule avec. Puisqu’il est question d’aller vers l’autre, cela me paraissait important d’inviter d’autres gens et qu’on soit plusieurs à raconter cela, avec des voix, des angles différents.


Comment l’album se transforme en projet scénique ?

Avec ce projet General Elektriks, il y a vraiment deux facettes, le côté discographique assez solitaire, moi dans ma cave avec mes claviers, et ensuite la facette live, où cela devient beaucoup plus social. Là, je suis rejoint par quatre musiciens exceptionnels, Jessie Chaton, Eric Starczan, Guillaume Lantonnet et Toma Milteau. Tous ensemble, on réarrange le disque pour se le réapproprier en tant que groupe. La prestation est très énergique. L’idée, c’est d’emmener les gens vers un instant privilégié qu’on partage tous ensemble. Cela dépend de ce l’effet miroir du public et cela peut monter très haut. On offre des versions différentes du disque, cela me tient à coeur. Je considère que le disque, c’est ma vision qui n’est pas sacro-sainte. J’aime l’idée d’utiliser la puissance de l’instant partagé. Il faut se mettre en danger, essayer, tenter, plutôt que de reproduire soir après soir le même truc. On laisse beaucoup de place à l’improvisation, aux solos. Cela fait très plaisir de retrouver cela après les moments qu’on a vécu.


L’image est aussi présente ?

On n’utilise pas le tableau de Laurina Paperina. Par contre, il y a un travail notamment avec le show lumière élaboré par Dimo Delaunay, qui nous suit depuis le début de la tournée, avec un système qu’il a développé lui-même. Cela traduit très bien ce qu’on essaie de faire avec le groupe. C’est en même temps minimal, sophistiqué, contemporain et très organique, fluo et vivant. Il joue des lumières comme on joue des instruments.



Portrait Hervé Salters, JB Ambrosini.


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