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Marlène Dietrich, la construction d'un mythe

L'historien Jean-Paul Bled publie "Marlène Dietrich, la scandaleuse de Berlin", aux éditions Perrin.

Professeur à la Sorbonne, historien de l’Allemagne et de l’Europe centrale, auteur de livres sur Bismark ou François-Joseph, la Prusse ou l’Autriche, Jean-Paul Bled s’intéresse à une personnalité plus glamour avec une biographie de l’actrice Marlène Dietrich, sous-titrée La Scandaleuse de Berlin, titre d’un film de Billy Wilder qui la définit à merveille.

 

Née dans une famille conventionnelle, Marlène Dietrich est une femme libérée dès les années 20, dans un Berlin effervescent où l'historien retrouve une trace qu’elle a longtemps cherché à dissimuler. Contrairement à ce qu'elle a toujours prétendu, l'actrice a beaucoup tourné avant l'invention de la créature mythique par Joseph von Sternberg dans L'Ange bleu, dont le succès lui ouvre les portes d'Hollywood. L'époque est d'autant plus fondatrice que comme le montre l'historien et comme l'actrice l'a toujours revendiqué, elle est toute sa vie restée une Berlinoise.


Avec un sens du rythme dans son récit, Jean-Paul Bled écrit une biographie qui se dévore et se savoure à la fois. Il évoque bien sûr les grands films avec Sternberg, Ernst Lubitsch, Fritz Lang, Orson Welles, la carrière internationale, les tours de chant à travers le monde, la tumultueuse vie amoureuse hétérosexuelle et homosexuelle, son crépuscule parisien avenue Montaigne.


Au cœur du livre, les pages consacrées à sa passion pour Jean Gabin et aux années de la guerre où elle s’engage dans l’armée américaine sont particulièrement passionnantes. Marlène Dietrich a souvent répété qu'il s'agissait des plus belles années de sa vie. Le récit de cette courte période est palpitant. Fuyant l'Occupation, Gabin débarque à Hollywood et se noue une histoire d'amour passionnelle, au point que Marlène est quasiment prête à se transformer en femme au foyer et qu'elle déclarera à la mort de l'acteur français qu'elle est veuve une deuxième fois. La jalousie, les tumultes du monde mettront un terme à cette histoire, mais tous deux resteront fortement marqués par cette aventure sentimentale qui ne trouvera hélas qu'un maigre écho cinématographique avec le film Martin Roumagnac de Georges Lacombe.


Parallèlement, la guerre fait rage en Europe et dans le monde et Marlène Dietrich, qui s'est opposée aux Nazis dès le début des années 30, rejoint les rangs de l'armée américaine où avec le grade de capitaine, elle monte au front pour accompagner les GI. Gabin rejoint les Forces navales françaises libres.


Affranchie dans sa vie personnelle, Marlène Dietrich l'est aussi dans ses engagements. Jean-Paul Bled montre qu'elle est, bien avant que le mot ne soit à la mode, une citoyenne du monde. Cela lui vaudra d'ailleurs une forme d'incompréhension, voire de rancune de la part de ses concitoyens, qui durera bien après la propagande de Goebbels. Mais Marlène Dietrich se comporte librement et en combattante. La première, elle ose chanter en allemand en Israël, refusant que sa langue natale ne soit associée à celle de la barbarie. Pendant la guerre froide, elle va chanter de l'autre côté du rideau de fer. A ce titre, ses obsèques sont particulièrement symboliques. Pour la cérémonie à l'église de la Madeleine, le cercueil de l'actrice allemande, naturalisée américaine en 1939, admiratrice du général de Gaulle, est couvert du drapeau français. Il voyage ensuite vers l'Allemagne, sous la bannière étoilée puis traverse Berlin, en route vers sa dernière demeure aux couleurs de l'Allemagne réunifiée. 


Déroulant la carrière de l'actrice, Jean-Paul Bled décrypte également le mythe moderne. « L'obsession de son image ne quitte jamais Marlène », rappelle l'auteur. Le maquillage savant, l'intérêt pour la mise en lumière, les tenues de grands couturiers, la vie recluse pour éviter d'exposer le passage du temps... La sulfureuse Marlène Dietrich n'était pas seulement une actrice, elle a aussi signé sa propre mise en scène.


Marlène Dietrich, la scandaleuse de Berlin, de Jean-Paul Bled. Éditions Perrin, 380 pages. 24 €.


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