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Robin McKelle : "Ces chanteuses ont fait le chemin avant moi"

Avec l'album "Alterations", la chanteuse de jazz Robin McKelle rend hommage aux femmes songwriters.

Quelle musique écoutiez-vous quand vous aviez 15 ans ?

J'écoutais beaucoup de soul, de pop, de r'n'b. Ce n'est qu'après que j'ai découvert le jazz. J'écoutais Ray Charles, Nina Simone. C'est à l'université que j'ai découvert les chanteuses de jazz.


Comment est née cette idée d'album où vous reprenez des chansons uniquement écrites par des femmes ?

J'ai grandi avec les artistes dont j'ai fait les reprises, comme Sade ou Joni Mitchell. C'est un retour musical à mon enfance. Ces femmes m'ont beaucoup inspirée dans la musique, le style. C'est pourquoi j'ai décidé de faire cet hommage mais j'ai changé les arrangements pour garder l'esprit jazz, pour donner ma touche personnelle.

Robin McKelle, photo Frank Bullitt


Qu'ont en commun toutes ces femmes ?

Je ne sais pas. Elles ont donné toutes leurs émotions, leurs passions. Il y a beaucoup de styles différents, Janis Joplin qui est très rock, très blues ; Joni Mitchell est plus douce, plus intime dans ses paroles. C'était un challenge de mettre toutes ces chansons dans un seul projet qui correspond à mon inspiration. Elles sont toutes différentes mais elles m'ont toutes inspirée. Moi aussi, je suis un peu partout, dans le jazz, le blues, le r'n'b.

Comment s'est fait le choix des chansons ?

C'était difficile, au début il y avait 200 chansons. J'ai pris beaucoup de temps à écouter. Pour certaines chansons, j'ai su tout de suite comment je pouvais les faire entendre, comme pour No ordinary love de Sade.

Pour Born to die de Lana Del Rey qui est plus contemporain, j'ai juste adoré les paroles. J'étais au piano, j'ai joué la mélodie et les harmonies et les arrangements sont arrivés très naturellement. Quand cela se passe rapidement, c'est le signe que c'est une bonne chanson.


Vous pourriez faire un autre album ?

Je voudrais mais je ne sais pas. C'était du bonheur, c'est une façon différente de travailler. Je suis entrée dans l'univers de quelqu'un d'autre et en même temps, j'ai créé quelque chose de nouveau. C'est le jazz qui m'a donné cette vision de la musique. Avec ce projet, j'ai eu la possibilité d'utiliser ma voix de façon très différente, parfois de façon très forte dans Mercedes Benz de Janis Joplin ou au contraire, comme avec Don't explain de Billie Holliday, de chanter très doucement, avec beaucoup d'intimité, d'émotion... J'aime beaucoup, c'est comme dans un concert où je peux faire des choses très différentes. C'est plus difficile avec un album.

Je ne sais pas encore ce que je vais faire pour mon prochain disque, car je n'ai pas pu en profiter. Toute la tournée a été annulée. C'est triste, j'ai passé un an et demi à travailler sur cet album. C'est comme un bébé, on ne peut pas tout jeter.


Vous avez travaillé un peu à la manière d'un instrumentiste avec un standard ?

Exactement, je viens du jazz, j'ai appris les arrangements. Un musicien de jazz veut faire quelque chose de différent, mettre sa marque. Les bonnes chansons pop peuvent devenir des classiques dans le futur. C'est déjà le cas avec des chansons comme celles des Beatles.

Pour les reprises de chansons récentes d'Amy Winehouse ou d'Adele, le travail était différent ?

Oui. La chanson d'Adèle, les gens l'ont encore dans la tête. C'est plus difficile, mais j'ai pris le risque, car j'adore ces voix. C'est un challenge avec ces chansons que tout le monde connaît. Certains adorent, d'autres détestent, mais je suis une artiste, je ne peux pas plaire à tout le monde. C'est moi qui décide, parce que ça me touche. Tout le monde ne peut pas aimer, même si j'espère que tout le monde va adorer.


Vous reprenez Billie Holliday, c'est une chanteuse incontournable ?

C'est un légende. C'est un chanteuse que j'ai pas trop écouté au début, j'étais trop jeune pour apprécier sa voix et l'émotion qui s'en dégage. Elle a eu une vie très tragique, des problèmes de santé, de drogue. C'était un peu lourd. Maintenant, je l'écoute de façon différente. J'ai toujours aimé cette chanson Don't explain, qui est très triste. Dans la vie, je suis plutôt positive, heureuse. Cela me donne l'opportunité de tomber dans son univers.

Il y a aussi Janis Joplin. On a souvent comparé vos voix...

Au début, je me disais ah non, ce n'est pas possible. Elle chante très grave, avec une voix éraillée. A 18 ans, j'ai appris le chant classique, l'opéra, j'ai toujours essayé de chanter avec une voix claire, propre. J'étais étonné de la comparaison, je me demandais s'il y avait quelque chose qui n'allait pas dans ma voix. Et puis j'ai appris à utiliser cela de la bonne manière. C'est comme dans la vie, au début, on n'aime pas les petits trucs qui ne sont pas parfaits, puis quand on grandit, on se rend compte que c'est quelque chose d'unique. Cela me donne une individualité. Aujourd'hui, je trouve que cette comparaison est super, que je ne peux pas me plaindre.


Vous chantez aussi "Jolene" de Dolly Parton. En France, elle a une image un peu kitsch. Pour vous qui êtes américaine, que représente-t-elle ?

Elle est un peu kitsch, c'est vrai, mais elle est aussi très sérieuse. A son âge, elle continue à chanter très bien, très facilement. Quand j'étais jeune, ma mère adorait. Pour moi, ce n'était pas très intéressant, un peu trop country. C'est vraiment quelque chose de mon enfance. Dans "Jolene", la mélodie est très sympa, ça commence doucement, et puis ça monte. J'ai tout changé pour en faire quelque chose de plus soul. Pour les arrangements, je me suis inspiré de "Jealous Guy" des Beatles, dans la reprise de Donny Hathaway qui est très différente de l'originale. J'ai pris le risque avec des beats très lourds, un son plus groove.


Après #metoo, ce projet a aussi une portée politique ?

C'était aussi dans ma tête quand j'ai décidé de faire cet album en hommage aux femmes. C'est un mouvement très profond. Toutes les chanteuses que j'ai choisies ont pris le risque de faire ce qu'elles voulaient. Il y a 40 ans, même il y a 20 ans et encore aujourd'hui, ce n'est pas facile d'être une femme dans le monde de la musique. Elles m'ont inspirée, elles ont fait le chemin avant moi, elle m'ont permis de faire ce que je fais.


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