Saint-Rémy-de-Provence : Françoise Gilot, une artiste libre au musée Estrine
Le musée Estrine de Saint-Rémy-de-Provence propose de découvrir l'oeuvre méconnue de Françoise Gilot.
L’histoire de Françoise Gilot est connue, son histoire d’amour avec Pablo Picasso, la deuxième jeunesse du grand maître, le soleil, les arènes, puis sa rupture, le livre qui la transforme en paria et l’inévitable exil américain. On connaît moins la peinture de l’artiste centenaire que donne à voir Annie Maïllis, commissaire d'une exposition qui lui est consacrée au musée Estrine de Saint-Rémy-de-Provence.
Amie de Françoise Gilot, spécialiste de son œuvre, Annie Maïllis lui a récemment consacré un film republie un livre d’entretiens passionnant pour l’histoire de l’art qui s’obstine à ignorer celle qui a osé blesser le Minotaure. Mais rien ne vaut la confrontation aux oeuvres.
Réalisée principalement grâce à des prêts de ses enfants Claude et Paloma Picasso, l’exposition provençale dévoile le parcours d’une femme libre, s'intéressant aux années françaises, le début de son long parcours. Dès le premier autoportrait, elle se présente et se représente en tant que peintre. Toute sa vie, elle n’aura de cesse de s’affirmer, de tourner les talons quand on voulait lui barrer la route.
Dans les premières années avec Picasso, à Vallauris, Françoise Gilot a peu d’espace pour travailler. Elle dessine donc, d’un trait net, solide. La jeune femme n’échappe pas à l’influence de Picasso, mais elle cherche sa voie en regardant aussi ailleurs, notamment vers Henri Matisse qu'elle admire ou Nicolas de Staël qu'elle a fréquenté.
Dans cet univers contraint, elle dessine ses enfants, notamment Claude avec sa tête de granit. Sur des fonds blancs, elle construit des oeuvres à la force indéniable, avec un sens puissant de la composition. Peu avant sa séparation, elle croque une scène de famille apparemment délicieuse, mais Françoise regarde déjà ailleurs, l’éclaireuse pyromane Paloma craque une allumette et le petit Claude écrit au tableau le mot “Liberté”.
Dans les portraits et autoportraits, les deux artistes se regardent. Ils ne dialoguent pas, ils s'affirment. Françoise Gilot ne veut pas être une muse, mais une artiste à part entière. Elle représente Picasso, avec une raideur autoritaire, « frappée par sa ressemblance avec la statue dite du Scribe accroupi ».
Entrée dans l’écurie du marchand d’art Kahnweiler, elle livre sa série des cuisines, des natures mortes à l’équilibre étrange figurant un lieu quotidien et carcéral, peuplé de couteaux et de formes phalliques. Elle revient ainsi à la peinture à l’huile et ne va pas tarder à s’envoler.
Dans les années 60, l’artiste se cherche. Avant les grands formats abstraits pleins de couleurs et la traversée de l’Atlantique, elle fait un bilan, réfléchit à un nouveau départ, voyage en Grèce et figure ces questions avec une fascinante série de labyrinthes.
Jusqu'au 23 décembre. Mardi au dimanche, 14 h-17 h 30. Musée Estrine, 8 rue Estrine, Saint-Rémy-de-Provence. 7 €, réduit 5 €, gratuit - 18 ans. 04 90 92 34 72.
"Françoise Gilot, dans l'arène avec Pablo Picasso", entretiens avec Annie Maïllis. Silvana Editoriale, 128 pages. 15 €.
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