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Victor Solf : "Cet album a été fait avec beaucoup de bienveillance et de douceur"

Après son duo Her, Victor Solf revient avec un album élégant et lumineux, "Still. There's Hope".

Victor Solf, photo Liswaya


Votre nouvel album s'appelle "Still. There's Hope". L'espoir, c'est votre état d'esprit ?

Cela fait partie de mon trait de caractère. C’est mon premier album solo, il est très intime. C’est une philosophie de vie : comment aborder les aspects positifs de la vie comme les épreuves ? Je suis assez fan de la théorie du verre à moitié plein et du tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. C’est ce que j’ai voulu dire avec cet album. Cela s’est renforcé avec le covid. Pour les artistes, comme pour tout le monde, en France et dans le monde, c’était une vraie épreuve, un bouleversement. Cela a ébranlé mes convictions, j’ai voulu écrire cet album pour me souvenir de tout ce qu’il y a de positif dans ma vie.


Le disque a été écrit pendant le confinement ?

J’ai précipité l’écriture de l’album parce que j’étais à la maison et que je ne pouvais rien faire d’autre. J’ai eu des clips et des tournées annulés. Je suis quelqu’un d’assez proactif, je n’aime pas rester sans rien faire. J’ai contacté mon label, mon tourneur, mon équipe et je leur ai dit que j’attaquais l’album.


Vous l'avez travaillé chez vous en Bretagne ?

Il y a eu plusieurs étapes. Toute la première partie, les préproductions, les démos ont été faites dans une petite maison près de la mer, dans le Nord-Finistère. J’ai fini par être assez serein, assez détendu. J’ai travaillé quotidiennement, de façon assez soutenue, avec des rituels dans la journée. Cette sérénité s’entend dans l’album, qui est fait avec beaucoup de bienveillance et de douceur.


On sent de la douceur, mais aussi beaucoup de fragilité...

C’est quelque chose que je voulais explorer par la voix. Par le passé, j’ai eu plutôt le rôle du "soulman" avec une voix assez technique, grandiloquente. J’avais rarement l’occasion d’aller chercher la fragilité dans ma voix. Tout l’intérêt d’écrire un disque sur l’espoir ou l’optimisme, c’était d’évoquer les moments où tout cela est remis en question. Dans I Don’t Fit, par exemple, je parle de l’identité, des doutes que je peux avoir en tant qu’artiste. Dans Fight For Love, c’est mon rapport au deuil, l’acceptation de l’absence. Et même dans Comet, c’est un titre que j’ai écrit pour mon fils. C’est mon premier album solo, c’est la première fois que je n’utilise pas de pseudonyme, c’était important que je me mette à nu le plus possible, que j’aille chercher la fragilité et l’intimité.

Vous touchez aux sonorités électro, mais ce qui vous a d’abord attiré dans la musique, c’est le piano ?

C’est mon premier instrument. J’ai commencé par la musique classique, c’était assez difficile. J’ai mis quelques années à apprécier. Mais j’ai eu la chance de travailler avec un professeur de blues, qui m’a ouvert les yeux sur l’improvisation, le lâcher prise, le fait de ne pas avoir toujours une partition devant les yeux mais d’essayer de créer quelque chose. Là, je me suis vraiment découvert une passion pour la musique. Et j’ai commencé assez vite à écrire et composer…


C'est de là que vient votre goût pour la soul ?

Oui, c’est d’abord passé par le piano. Ray Charles, Memphis Slim, BB King… C’est toujours accompagné de voix. Quand j’ai monté le duo Her, j’ai eu envie encore plus d’affirmer cet héritage. Ce que j’aime dans la voix, c’est la soul, le blues, le gospel. Et je continue à explorer cela. Que ce soit la mélancolie du piano, la soul ou l’électro, j’essaie toujours de rester le plus sensible possible, de ne pas faire un album concept. J’essaie de digérer tout ça…


"Call your grandma", c'est une chanson sur votre grand-mère ?

C’est un titre qui évoque l’altruisme, le fait de donner aux autres et à quel point, cela peut nourrir, cela peut être indispensable pour se sentir bien. J’ai vu une étude, l’extrême solitude est beaucoup plus dangereuse que le tabagisme ou le fast-food. Ça dérègle une partie du cerveau. Je n’arrivais pas à trouver de titre. Ceux que je trouvais étaient un peu clichés. Avant de terminer l’album, avec mon équipe Guillaume Ferrand au piano et Sylvain de Barbeyrac au mixage, on a trouvé ce titre, Call your grandma. Appelle tes grands-parents avant qu’il ne soit trop tard… Cela m’a beaucoup plus, j’ai failli appeler l’album comme ça. En plus, j’ai été élevé par ma grand-mère. J’étais très proche d’elle et aujourd’hui, je ne peux plus l’appeler parce qu’elle n’est plus des nôtres.

Il y a une chanson qui vous tient particulièrement à coeur, c’est Drop the ego.

Je l’ai faite juste avant d’attaquer une mixtape qui est sortie avant l’album. Dans la fin du titre, on découvre le sampling, le fait de mélanger des batteries, d’avoir quelque chose de plus ouvert dans les prises de son, les influences. C’est quelque chose que je voulais faire depuis longtemps. Ce titre est peut être plus exigeant que les autres, il est plus riche, il y a une dynamique très forte, beaucoup de nuances. Plus j’ai de recul, plus que je me dis que c’est le titre dont je suis le plus fier.


Il y a une chanson qui s’appelle Utopia. Cette idée est importante pour vous ?

Dans cette chanson, je critique un peu notre société. Quand je dis We all live in Utopia, c’est parce qu’on a tendance à vivre chacun dans nos bulles, que l’on voit très clairement aujourd’hui avec les réseaux sociaux. On a tendance à rester dans l’entre soi, à rester avec des personnes qui vont conforter nos idées, nos opinions plutôt que de les chambouler. C’est un titre que j’ai écrit comme une alarme… On vit tous dans un monde qui n’est pas vraiment le monde et qui est poli comme on le souhaite. J’ai lu un livre sur les utopies réalistes. Ça fait du bien de voir qu’un autre monde est possible. Mais je ne cherche pas à édulcorer la réalité. J’associe la notion d’utopie avec le fait de faire l’autruche. C’est ce que j’ai voulu dire dans le titre.

Avant cet album, il y a eu l’aventure Her avec Simon Carpentier, disparu en 2017. Qu’en reste-t-il dans votre musique ?

Ce n’est pas un album que j’ai voulu pour marquer une rupture. C’est dans la continuité. J’ai abandonné les guitares, car c’était Simon qui apporté cette touche. J’avais besoin de mettre cela de côté pour me concentrer sur le piano. Tout le reste, même en live, est toujours là, le côté minimaliste, organique, la touche soul, la sensualité. Her, c’est une grande partie de moi-même, un projet dont je suis fier et qui continue à m’accompagner.

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