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Michel Portal : "L'âge importe peu, ce que je veux, c'est jouer de la musique"

Michel Portal est une légende de la scène jazz française. A 85 ans, il publie un nouveau disque "MP85", dix ans après son dernier album. Au film d'une carrière incroyable, le clarinettiste et saxophoniste est passé du free jazz à la chanson française, accompagnant Barbara ou Serge Gainsbourg, signant des bandes originales pour le cinéma, enregistrant des partitions de Mozart, Brahms, Boulez, Berio ou Stockhausen.

Michel Portal, photo Jean-Marc Lubrano.


Vous sortez un album 10 ans après dix ans sans enregistrement. Comment est née l’envie de retourner de studio ?

Je ne me suis pas aperçu que 10 ans avait passé. J’ai toujours joué. Je suis retourné en studio en me disant, c’est vrai, j’ai oublié de refaire un disque après Balaïdor. Avec Bojan Z, qui est un ami depuis longtemps, Bruno Chevillon et tous les musiciens qui sont là, je faisais des petits concerts. J’ai eu l’idée de prendre mes thèmes, j’en ai pas mal et de faire un disque. L’idée est arrivée pendant le confinement et on avait vraiment envie de le faire.

Le disque s'appelle MP85, vos initiales et votre âge. C'est une forme d'autoportrait ?

L’âge, je n’y pense jamais. Je n’ai pas fait attention. Ce sont les musiciens qui ont fait ce titre quand j’étais ailleurs, peut-être à faire de la musique classique. L’âge importe peu pour moi, ce que je veux, c’est jouer de la musique. C’est comme un jeu !

MP, c'est aussi Mister Pharmacy, l'un des morceaux de l'album ?

C’est pour m’amuser. j’ai l’habitude d’aller souvent dans les pharmacies. Je me suis dit que c’était marrant de faire ce titre, j’aime m’amuser, je ne suis pas sérieux, j’aime que les musiciens s’amusent. J’en avais assez de ces sentiments douloureux, on sait plus où on va, on va disparaître. Se plaindre, j’en ai assez. Toute cette histoire qui nous est arrivée n’est drôle pour personne, alors un peu d’humour, c’est bien.

La naissance de l'album est vraiment liée au confinement et à l'envie des retrouvailles...

Ce sont des musiciens qui ne sont pas du côté de Paris comme Bojan Z, Bruno Chevillon et moi. Les autres musiciens, Lander Gyselinck est belge et Nils Wogram est allemand. J’ai souvent tenté des choses avec des musiciens venant d’ailleurs, j’ai toujours aimé ça, un peu pour voir ce qu’ils font, un peu pour voir comment ça s’arrange entre nous.

On avait déjà fait des concerts ensemble. Si on s’entend avec des musiciens, si ça accroche, tout à coup on va plus loin. Après je ne sais pas ce qu’est devenu le disque. Quand il est fait, je ferme les yeux et je me dis qu’on verra bien ce qui se passe.


Vous dites que vous avez voulu capter le présent et ce qui circulait entre vous

J’étais habitué à faire des concerts, quand j’allais aux Etats Unis, à Minneapolis, tout à coup je découvrais d’autres situations. Cela me faisait plaisir, je connaissais pas les musiciens et quand j’ai vu l’énergie, je me suis dit que je devais rentrer là-dedans. J’ai toujours aimé les surprises, les gens qui sont plein de musique en eux. Ensuite, le thème ou le morceau se fait vite.

J’ai toujours fait des musiques comme ça, toujours était très curieux. Je suis allé en Allemagne, en Angleterre pour faire des disques. Je suis éclectique en musique, je suis un peu partout. Ce disque, je l’ai aimé, il est bien arrivé là où il fallait qu’il arrive, cela a été difficile d’aller dans le studio à Amiens et puis je me suis dit, il faut y aller, il faut éclairer tout ça. Bien sûr, il y a toujours des critiques qui pourront dire que ce n’est pas mon style, qu’avant j’ai fait d’autres choses. J’ai toujours fait des choses différentes.

L'ensemble est assez joyeux...

J’ai voulu quelque chose qui parle. Je voulais que ça parle, pas seulement des notes de musique qui s’enchaînent. Je voulais une musique pleine d’humour, de fraîcheur.


Vous passez en permanence d’un style à l’autre, du classique au jazz, de la musique contemporaine à la chanson. Les choses s’enchaînent facilement pour vous ?

Oh non, pas du tout. Si je joue une pièce de Mozart ou de Brahms, je suis très sérieux. Il y a deux moments, ou je suis un musicien qui improvise et qui est maître de la situation, qui fait ce qu’il veut ou alors je suis l’interprète d’une compositeur, au service de l’oeuvre. Quand je suis maître de la situation, l’impro arrive et je fais des choses qui n’existaient pas dans le thème au départ. Je suis tout à fait différent. C’est très ancien pour moi, j’ai commencé très jeune à faire le caméléon. J’aime bien changer de couleur. Je suis fait comme ça.

Sur le disque vous retrouvez le pianiste Bojan Z. Qu'est-ce qui vous séduit chez ce musicien ?

C’est un peu les situations géographiques, je suis basque, lui est serbe. On a des rencontres quand on se voit, on a des terroirs vraiment semblables. J’aime bien ces entretiens, les idées ne sont pas les mêmes. S’il a une idée, je vais un peu ailleurs, j’amène la mienne. J’aime la variété, les gens d’ailleurs qui peuvent changer la musique.

Vous rendez d'ailleurs hommage au Pays Basque...

C’est ma jeunesse. J’ai commencé la musique très tôt, à 10 ans. Je me suis dit pourquoi pas ce souvenir lointain. C’est certainement quelque chose que j’ai entendu quelque part, mais comme j’en ai beaucoup dans la tête de ces morceaux, il est sorti tout d’un coup et je me suis dit pourquoi pas celui-ci, j’aurais pu en faire un autre et un autre encore. Je connais tout le répertoire de ces musiques avec lesquels j’ai joué autrefois pour faire danser les Basques. Mais ce n’est pas "in memoriam", c’est simplement que j’aime bien ces musiques et les développer. Il faut avoir de la simplicité en soi, il ne faut pas pavoiser. Cette musique est assez grave pour moi, après ce qui s’est passé. Tous les musiciens qui ne jouent pas sont malheureux, c’est un moment difficile. Mais ça passera et on fera la fête.

Vous êtes un musicien cascadeur ?

J’ai fait toute sorte de musiques, du contemporain, des ouvertures, des musiques sauvages, puis je passais à autre chose. On me disait il faut que tu enregistres un quintette de Mozart la semaine prochaine, je répondais j’y vais. Tout s’est mêlé mais sans gravité, cela m’a toujours fait plaisir. La musique m’a sauvé de beaucoup de choses.



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