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Montpellier : les cosmogonies de l'Afrique contemporaine au Moco

Une traversée de l'art contemporain africain grâce aux oeuvres de la fondation Zinsou, à découvrir à l'hôtel des collections du MoCo à Montpellier.

Il est toujours difficile de présenter une scène nationale ou continentale, au risque de la réduire à une esthétique, un questionnement, alors qu'elle est nécessairement diverse, à l'image de l'humanité et de la géographie. La remarquable exposition "Cosmogonies" présentée à l'hôtel des collections du MoCo à Montpellier parvient avec bonheur à un voyage plein de surprises. Créée en 2005 à Cotonou au Bénin par Marie-Cécile Zinsou, la fondation Zinsou a accompagné depuis plusieurs années l'émergence de la création africaine, constituant une large collection où se croisent des artistes déjà classiques et des plasticiens plus jeunes. Parmi le millier d'oeuvres acquises par la fondation, le musée montpelliérain en présente 130 de 37 artistes de générations et de contrées différentes.

« Au-delà d’une collection classique rassemblant des œuvres importantes pour la région et le pays, nous essayons d’être en phase avec l’époque dans laquelle elle vit, et qui essaie de dessiner un portrait de ce qu’on peut vivre en Afrique aujourd’hui. Pour moi, c’est essentiel que la collection reflète ce développement, qui est hors du commun et totalement méconnu. En dehors de l’Afrique, on ne se rend absolument pas compte de ce qu'est l'Afrique », explique Marie-Cécile Zinsou. Cette exposition parviendra peut-être à rompre cette injustice. Car depuis l'historique exposition "Les Magiciens de la terre" de Jean-Hubert Martin en 1989, depuis le travail entrepris par André Magnin ou la fondation Blachère à Apt, tout le monde devrait savoir que l'art contemporain n'est pas qu'occidental.


La présentation suit quelques fils thématiques. Mais d'une section à l'autre, plusieurs artistes reviennent, notamment les photographes de la fameuse école malienne comme Seydou Keita ou Malick Sidibé. Dès les années 1960, ils ont mis en scène dans leur studio une forme d'émancipation à la fois élégante et festive. L'exposition donne aussi une place particulière au Béninois Cyprien Tokoudagba, disparu 2012, après avoir revisité pendant des années les mythologies du Dahomey. Leurs oeuvres sont régulièrement montrées dans les plus grands musées du monde, tout comme celles du peintre Cheri Samba, ce qui n'est pas forcément le cas de la plupart des autres artistes présents à Montpellier. Place donc à la découverte...

Le parcours débute par une évocation du signe. Dans un continent où la tradition orale tient une place fondamentale, de nombreux artistes évoquent la tradition, l'héritage et leur place complexe liée à la colonisation et à la décolonisation. La Sud-Africaine Esther Mahlangu s'inspire des murs des maisons peintes par les femmes ndébélés. Le Ghanéen Kwesi Owusu-Ankomah fond des corps masculins dans une trame de symboles.

Ce premier chapitre est essentiel car il met en lumière le rapport à la mémoire omniprésent chez la plupart des artistes. Le Malgache Joël Andrianomearisoa (également à l'affiche cet été avec une remarquable carte blanche aux remparts d'Aigues-Mortes) présente une installation immersive et mélancolique. L'artiste aime s'imprégner des lieux où il travaille, c'est ce qu'il propose avec Le poème du bien-aimé, référence à Apollinaire où la voix de Jeanne Moreau accompagne les poteries traditionnelles de Ouidah, au Bénin où il a séjourné en 2017.

La coiffure est aussi un élément de cette tradition que Pauline Guerrier revisite avec des sculptures raffinées. Car cette mémoire est aussi celles des femmes, comme le montre l'Ivoirienne Ishola Akpo avec son hommage aux « guerrières qui ont lutté pour s'en sortir. »

L'attachement à l'histoire n'empêche pas les artistes de s'intéresser au présent, souvent mouvementé de l'Afrique. Figure éminente de la scène de Kinshasa, Moke représente la vie quotidienne comme un reporter, témoignant de l'effervescence et parfois du grotesque du quotidien. Une toile représentant une scène de bagarre nocturne est particulièrement impressionnante par son travail de la lumière. Cheri Samba témoigne lui-aussi de son époque, avec des images frappantes et composées comme des affiches ou des manifestes ironiques. La série de cimiers de Kifouli Dossou évoque aussi les problèmes de l'Afrique. Avec des sculptures colorées, apparemment naïves, elle pointe du doigt les problèmes récurrents avec des petites saynètes énumérant les besoins de Béninois, accès à l'eau, à l'éducation, aux transports...

Malgré la pauvreté, la corruption, les conflits, un goût pour l'élégance demeure omniprésent, comme un pied-de-nez. Cela se retrouve bien sûr dans les photos de Malick Sidibé et Seydou Keita, dans les robes des princesses de Cyprien Tokoudagba, mais aussi de façon plus sarcastique avec les photos de Samuel Fosso.

Car l'autre fil conducteur de l'exposition pourrait être la distance que les artistes conservent toujours avec le contexte, qu'il soit social, politique ou mythologique... Ainsi Emo de Medeiros, avec sa série Vodunaut, actualise la fascination pour les cauris (petits coquillages porcelaine-monnaie) associés au voyage, soudain projetés dans la conquête spatiale. Romuald Hazoumè fait référence à l'art divinatoire du Fâ. Le titre "Cosmogonies" choisi pour l'exposition est important...

L'exposition s'achève avec l'évocation des métamorphoses, omniprésentes dans les récits populaires, mais qui peuvent prendre chez les artistes contemporains une toute autre signification. Seyni Awa Camara s'inscrit dans la tradition sénégalaise de l’art de la poterie, mais elle s'empare de la technique pour faire naître des créatures étranges et fantastiques. La Sud-Africaine Zanele Muholi frappe le regard avec ses autoportraits queer. Et la jeune Marocaine Aïcha Snoussi conclut le parcours avec une sublime installation La Sépulture des noyés, où entre histoire et fiction, elle invente un autre destin possible pour l'Afrique, pour les femmes et pour les artistes.

Jusqu'au 10 octobre 2021. Mardi au dimanche, 12 h-20 h. Moco, hôtel des Collections, 13 rue de la République, Montpellier. 8 €, réduit 5 €. 04 99 58 28 00.


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