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Sur la piste... Le jardin des tarots de Niki de Saint-Phalle

Visite du fabuleux "Jardin des tarots" de Niki de Saint-Phalle dans le Sud de la Toscane.

Le lieu est mythique. Sa découverte est un émerveillement. Entre 1979 et 1993, Niki de Saint-Phalle a construit près de Capalbio, dans le sud de la Toscane, son Jardin des tarots, lieu de création spectaculaire, avec la collaboration de son compagnon Jean Tinguely.

C'est après avoir découvert le Park Guell à Barcelone, créé par Antoni Gaudi, que l'artiste s'est lancée dans ce projet fou où 22 sculptures monumentales mettent en scène les arcanes du tarot marseillais. Elle reprend la technique du trencadis de l'architecte catalan, création de mosaïques à partir d'éclats de céramiques dont elle couvre ses sculptures. Le lieu est riche en influences artistiques, venues de la Renaissance, de l'art naïf ou de l'art moderne, plein de symboles ésotériques et métaphysiques, un manifeste.

Dès l'entrée du jardin, sur un panneau de céramique, Niki de Saint-Phalle explique sa démarche, son projet, son attachement passionnel à cette oeuvre incomparable, ainsi que la façon de le découvrir, de l'apprécier et de le protéger. « En 1955 (j'avais alors 25 ans), j'ai découvert à Barcelone les splendides oeuvres d'Antoni Gaudi. Dans le Park Güell, avec ses bancs faits d'assiettes concassées, où les arbres de pierre étaient à côté de vrais arbres, j'ai trouvé mon maître : Gaudi. Cette expérience a forgé mon destin : un jour, je construirai un refuge où trouver la paix et la joie.

« L'Italie m'a beaucoup aidée dans ce chemin. J'ai visité ses nombreuses villes d'art, les églises et ses nombreux trésors, la chapelle Sixtine, la dernière Cène de Léonard Vinci. Les fabuleux jardins comme ceux de la Villa d'Este et de Bormazo. Je suis particulièrement touchée par les églises et l'esprit des milliers de personnes qui se sont consacrées à la construction de ces grandioses édifices qui chantent la gloire de Dieu. Ma vision a été renforcée par ces expériences et je me suis dédiée, à mon tour, à la réalisation d'un jardin, qui inspire, dans ce monde tourmenté, des sentiments artistiques de sérénité et d'amour de la nature.

« Une grande part de ma vie a été consacrée à cette création, malgré la maladie et l'isolement familial et amical. Mais rien ne pouvait m'arrêter. Quand mon mari, Jean Tinguely, était encore en vie et venait travailler dans le jardin, souvent, on se retrouvait à Orvieto, parce tous les deux, nous adorions sa cathédrale. Mais un jour, il y a longtemps, en 1985, après avoir vu l'effacement causé par le surdéveloppement des bus, des gens et des guides bruyants, nous avons décidé de ne plus jamais y retourner. Ce n'était plus possible d'utiliser l'église comme un lieu de recueillement et d'admiration : sa sainteté avait été désacralisée ! Trop de choses avaient changé. Il n'était plus possible de partager la beauté suprême de la cathédrale d'Orvieto avec un nombre exagéré de personnes. Cela s'est produit dans de nombreux endroits artistiques italiens où les biens culturels ont été asservis à l'argent et à la spéculation. Je me souviens d'avoir dit à Jean, avec une grande tristesse que ce serait mon plus grand problème avec ce jardin. Je me suis promis que jamais le jardin ne tomberait dans les mains de gens qui pourraient le dégrader.

« Peu de gens comprennent que le jardin est une oeuvre d'art fragile avec ses miroirs, son verre et ses céramiques. Il a besoin d'un soin délicat et continuel. C'est la raison pour laquelle, le jardin ne peut rester ouvert toute l'année. Sans un entretien adéquat, il tomberait en ruines en quelques années. Et cet entretien doit être fait par l'équipe, qui ayant construit le jardin avec moi, a acquis l'expérience et l'habileté pour le faire avec intelligence et amour.

« Après avoir travaillé pendant 20 ans au projet, je n'ai pas l'intention de voir la beauté délicate détruite et vandalisée. Ma vision du message du jardin est de rester fidèle à l'idée originale. Je suis fière de pouvoir offrir au visiteur cette rare richesse et le temps d’assimiler et de réfléchir à l’esprit du jardin, sans être traîné comme un troupeau de moutons. Ceux qui gagnent de l’argent en organisant ce genre de visites de masse n’entreront jamais dans le jardin. Nous ne continuerons pas à profaner l’art, nous le montrerons comment il doit être présenté.

« L’Italie a toujours été l’un de mes grands amours et je désire contribuer, par l’exemple, à la préservation de ses innombrables trésors artistiques et de son héritage culturel. Mon jardin est un lieu métaphysique et de méditation, un endroit loin de la foule et de la fureur du temps, où vous pouvez savourer ses nombreuses beautés et significations ésotériques. Un endroit qui réjouit les cœurs et les yeux. »

Au coeur du jardin, plusieurs sculptures monumentales sont imbriquées, autour de la gigantesque Grande Papesse, du Magicien et de la fontaine de la Roue de la fortune conçue par Jean Tinguely. Le visiteur est parfois invité à pénétrer à l'intérieur, notamment dans L'Impératrice, où s'était installée Niki de Saint-Phalle pendant la construction dans un brillant environnement de miroirs, de reflets et de lumière. Autour, se retrouvent La Tour de Babel, Le Pendu, Le Soleil, La Justice...

Les chemins, parsemés de messages symboliques, guident ensuite les pas vers d'autres oeuvres de moindres dimensions, dispersées à travers la nature et la végétation. Au fil des sentiers et des bosquets, on croise alors La Mort, La Lune, La Luxure ou Le Diable dans une déambulation poétique et spirituelle, où les couleurs de l'artiste explosent comme autant d'éclats de bonheur, de beauté ou de sensualité.

Dans le village voisin de Capalbio, il est également possible d'admirer l'une de ses nanas, sculpture de femme aux formes voluptueuses et aux couleurs éclatantes.


Pour aller plus loin :

Sur la piste... Le Park Güell à Barcelone, l'art de Gaudi au grand air



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