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"Le Mystère Picasso" ressort dans les salles et en DVD


"Le Mystère Picasso", d'Henri-Georges Clouzot, le plus grand film sur la peinture ressort dans les salles en copie neuve et est réédité en DVD. A découvrir également au musée de Niort qui fête les 110 ans de la naissance du réalisateur.

Il s'agit tout simplement du plus grand film sur la peinture. Il y a quelques bons films sur des peintres, récemment Basquiat de Julian Schnabel, Frida avec Selma Hayek, Séraphine avec Yolande Moreau. Aucun chef-d'oeuvre hormis le fiévreux Van Gogh de Pialat. Aucun qui n'arrive à percer le mystère de la peinture, de la création à l'oeuvre. Ou alors avec un peintre imaginaire comme Jacques Rivette avec sa Belle Noiseuse. Et c'est justement ce mystère in vivo que filme Henri-Georges Clouzot avec Le Mystère Picasso, un film unique en son genre qui ressort en copie restaurée en DVD et dans les salles pour fêter les 110 ans de l'infernal réalisateur des Diaboliques et du Salaire de la peur.

« On donnerait cher pour savoir ce qu’il s’est passé dans la tête de Rimbaud pendant qu’il écrivait le Bateau ivre, dans la tête de Mozart pendant qu'il composait la symphonie Jupiter. Pour connaître ce mécanisme secret, qui guide le créateur dans son aventure périlleuse. Grâce à Dieu, ce qui est impossible pour la poésie et la musique, est réalisable en peinture. Pour savoir ce qui se passe dans la tête d'un peintre, il suffit de suivre sa main », explique Clouzot en ouverture du film. Il se propose alors de montrer ce qu'il se passe quand Pablo Picasso peint, d'immortaliser cette explosion, cette tragédie, cette intimité de la création. « Vous allez voir, c'est une drôle d'aventure que celle du peintre : il marche, il glisse en équilibre sur la corde raide. Une courbe l'entraîne à droite, un tache l'entraîne à gauche. S'il rate son rétablissement, tout bascule, tout est perdu. Le peintre avance en tâtonnant comme un aveugle, dans l'obscurité de la toile blanche. Et la lumière qui naît peu à peu, c'est le peintre qui la crée paradoxalement en accumulant les noirs. Pour la première fois, ce drame quotidien et confidentiel de l'aveugle de génie va se jouer en public. »

La genèse du film est étonnante. Au printemps 1955, c'est l'artiste qui contacte le réalisateur après la découverte de feutres pinceaux qui permettent de dessiner avec des encres qui traversent le papier, sans baver, montrant au verso de façon fidèle ce qui est tracé au recto. Les deux amis se connaissent depuis longtemps et Clouzot est féru d'expériences plastiques, comme le montre la réédition simultanée du making of de L'Enfer. Entre juillet et septembre 1955, ils s'enferment au studio de la Victorine, à Nice. Picasso se plante d'un côté de la feuille, Clouzot et son assistant Claude Renoir de l'autre. Et c'est parti...

Au départ, le but était de filmer un court-métrage d'une dizaine de minutes, finalement le film alterne le noir et blanc et la couleur, il dure un peu plus d'une heure et quart et on voudrait qu'il ne s'arrête jamais. Picasso laisse libre court à ses obsessions, le nu, le peintre et son modèle, la corrida. Comme Mozart qui écrivait sa musique à la verticale, tous les instruments en même temps, Picasso compose son tableau dans son ensemble. L'oeil absolu ! S'il improvise, ce n'est pas à la manière d'un pianiste, mais comme un trio, un quatuor, un quintet, comme un orchestre dans son ensemble. Il paraît que Clouzot disait que c'était son film où il y avait le plus de suspense. Et effectivement, on ne sait jamais d'où va surgir le trait nerveux, la note de couleur, la courbe précise. Chaque minute, chaque seconde est une surprise, une invitation à contempler le génie à l'oeuvre. Voici un film qui apprend à regarder !

Torse nu, clope au bec, le regard perçant, Picasso a envie d'aller plus loin, « au fond de l'histoire, risquer tout », pour « montrer tous les tableaux qui sont sous un tableau ». Clouzot filme alors les différentes étapes de toiles peintes à l'huile, en couleur et en format cinémascope, accompagnées d'une musique de Georges Auric. On voit la toile qui se structure, les heures sont réduites à quelques minutes dans un précipité éblouissant. Devant la caméra, il renoue avec le collage, avance, change de direction, jusqu'à la dernière expérience, une scène de plage. Picasso reprend sans cesse sa peinture, accumule les couches. Il hésite, il s'amuse, il s'enlise.... « Tu voulais du drame, tu l'as », s'amuse le peintre en s'adressant au réalisateur, avant de prendre une toile neuve, tirant immédiatement les leçons de son échec. « Je recommence tout ». Et comme par magie, la toile apparaît, évidente, simple, apaisée. On était prévenu, Picasso l'avait déjà dit depuis longtemps : « Je ne cherche pas, je trouve ».

 

Une exposition au musée de Niort


Parallèlement à ces films qui ressortent sur les écrans et en DVD, le musée Bernard-d'Agesci à Niort, ville d'où était originaire Henri-Georges Clouzot, rend hommage au réalisateur. L'exposition, à voir voir jusqu'au 25 février 2018, permet de redécouvrir les relations entre le metteur en scène et les arts plastiques. Le Mystère Picasso est bien sûr évoqué avec des photos de tournage et des oeuvres nées de ce tournage hors du commun.

Photographies de tournage du Mystère Picasso, 1955. Collection La Cinémathèque française – Succession H.G. Clouzot. ©Claude Renoir-Tous droits réservés.


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